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Sonja la rousse et le beau Jack, deux jeunes gens installés dans la misère du ghetto de Chicago qui n’ont d’autre richesse que leur entente amoureuse, se sont laissés convaincre, par un émissaire soviétique qui leur promettait « des lendemains qui chantent », de retourner au pays de leurs origines. Ainsi commence un singulier voyage amoureux vers... l’enfer.

Mêlant les misères de la réalité aux bonheurs de l’imagination, le romancier retrace le destin de ces émigrés juifs que les pogroms tzaristes avaient chassés de Russie et qui, dans les années 1930, accablés par la crise, abandonnèrent leur terre d’asile américaine pour retourner dans leur pays d’origine.

 

 EXTRAIT

Spolansky avait poussé un soupir de soulagement idéologique. Une telle obscurité de la part du roi des révolutionnaires lui facilitait beaucoup les choses. Comment un homme aussi opaque pouvait-il représenter un danger net et présent pour la Constitution des États-Unis ?
Jack Gesser était un homme soucieux le jour où Berg les avait introduits, Sonja et lui, dans son sanctuaire. Éveillé au petit matin dans sa chambre sans rideaux, il s’était aperçu en regardant par-dessus les toits que l’été avait décroché pendant la nuit. Des rafales se bousculaient sous un soleil pâle, et Gesser avait compris pourquoi les Noirs appellent le vent soufflant du lac le « faucon ». Après avoir tant bien que mal défroissé son pantalon, il avait pénétré dans la cuisine, où il s’était trouvé confronté à la mère Poklub, penchée sur son éternelle lessive. Le philosophe dans l’univers du linge sale. En réponse à son bonjour, elle avait clamé avec véhémence ses regrets de n’avoir pas appelé un flic lorsque, tournant la clef dans la serrure de son appartement dûment loué, elle l’avait découvert vautré sur le plancher, image fidèle d’un réprouvé et d’un tricheur, d’un goniff et d’un goslin – une image que la réalité avait, hélas, confirmée. À son habitude, Gesser avait promis de lui payer sa part du loyer, plus un petit quelque chose pour la contrariété, et s’était hâté de passer la porte, accablé d’humiliation...
Du moins Sonja n’avait-elle pas été témoin de la scène. Une belle impression, qu’il lui aurait faite, à subir les récriminations de la maîtresse de maison et à filer en douce, tel un bouffon de vaudeville !

Dans son bureau, Berg balaya les papiers qui encombraient deux chaises afin que Jack et Sonja puissent s’asseoir. Tandis qu’ils se réchauffaient les mains autour d’une tasse de thé clair, il leur fit sa proposition.
— J’aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi, commença-t-il, puis il s’interrompit. Pour moi ? Ce n’est pas vraiment pour moi. C’est pour l’édification du socialisme.
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DAVID HOMEL

Né à Chicago en 1952, David Homel vit à Montréal depuis plus de trente-cinq ans. Comme journaliste, il collabore régulièrement à diverses publications. Il a reçu un accueil critique extrêmement favorable pour son précédent roman Portrait d’un homme sur les décombres, dont la version originale anglaise, The Teardown, a remporté en 2019 le prix Paragraphe – Hugh MacLennan décerné par la Quebec Writers’ Federation.

Photo : Marina Vulicevic.

Roman / Traduit de l’anglais (Canada) par Christine Le Bœuf

Collection « Nomades » / Prix indicatif : 19,95 $

480 pages environ / 10,8 x 17,7 cm / ISBN : 978-2-7609-3683-6

En librairie le 16 septembre 2020

Également disponible au format numérique - ePub