Leméac Éditeur - Programme
 

Photo : D.R.

 

Notice biographique

IMG_1977-2-inv-compressor.jpg

Dramaturge reconnu dont l’œuvre a été jouée à la Comédie-Française, Normand Chaurette a été quatre fois lauréat du Prix littéraire du Gouverneur général, avec Le passage de l’Indiana, Le petit Köchel, Ce qui meurt en dernier et Comment tuer Shakespeare.

Leméac Éditeur

IMG_1977-2-inv-compressor.jpg

Le mercredi 31 août 2022, au CHUM et entouré de ses proches, est décédé l’écrivain Normand Chaurette, fils de feue Marcelle Perreault et de feu Gilles Chaurette, à l’âge de 68 ans.

Il laisse dans le deuil sa sœur Maryse, son frère Claude, ses nièces, parents, amis et de nombreux artisans des scènes théâtrale, littéraire et musicale.

Dramaturge estimé, joué avec succès ici et à l’étranger, notamment à la Comédie-Française, il a apporté à la littérature québécoise la voix, transgressante et virtuose, de sa magnifique étrangeté. Brillant traducteur de Schiller, d’Ibsen, de Wilde, et surtout de Shakespeare, il laisse, après Marie-Claire Blais décédée il y a neuf mois et à qui est dédié son dernier écrit, un nouveau vide incommensurable en nos cœurs.

Pierre Filion, Leméac Éditeur

Hommages

IMG_1977-2-inv-compressor.jpg
 

Michel Marc Bouchard - Photo : Olivier Clertant

 

« Qu'une eau soit sombre et profonde ne dissuade en rien les enfants de s'y rendre. »
Stabat Mater
de Normand Chaurette

Un grand auteur est mort. Traducteur shakespearien inégalé, dramaturge-architecte avant-gardiste, érudit et amoureux de la langue française, Normand Chaurette nous a quittés… abruptement. Comme l’ensemble de la communauté théâtrale et littéraire, je suis sous le choc. J’ai connu Normand dès mon arrivée à Montréal dans les années 1980. Yves Dubé, notre éditeur chez Leméac, organisait des lunchs mensuels sur la rue Durocher avec ses nouveaux poulains, les tout jeunes René-Daniel Dubois, Normand Chaurette et moi-même. Nous avons pendant des heures et des heures parlé littérature, questionné le théâtre, défait et refait le monde. La vaste culture de mes deux collègues m’hypnotisait et me laissait souvent sans voix. Mélomane, littérateur, épicurien, ma fascination pour Normand fut immédiate. Nos approches stylistiques étaient différentes mais nous étions unis par un théâtre qui demandait à exister, une dramaturgie LGBTQ qui n’en avait pas encore le nom. 

Il a été mon conseiller chez Leméac, il a été un exceptionnel compagnon de voyage, un collègue au CEAD. Je demeure un admirateur de son œuvre singulière, exigeante et nécessaire où la primauté du mot, l’élégance de la phrase, les remises en question des structures dramatiques ont été les marques distinctives.  Qui n’a pas été bouleversé par Provincetown Playhouse ? Fasciné par La société de Métis ou Les reines ? Charmé par Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues (quel titre fabuleux !!!) ? Un grand dramaturge est mort mais sa parole restera vivante à tout jamais. Un ami est mort mais sa voix restera vivante à tout jamais. 

Je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à ses proches, à ses collaborateurs et collaboratrices, et à la grande famille Leméac.

Repose en paix, mon ami.

Michel Marc Bouchard

 

Olivier Kemeid - Photo : Maxyme G. Delisle

 

« Tu cherchais les mots, comme si les mots avaient pu être au nombre de toutes les choses qu’on peut trouver dans les eaux. »
Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues de Normand Chaurette

L’élégance : dans sa prose comme dans sa vie. La discrétion légendaire de Normand Chaurette, et son humilité coutumière, n’ont pas empêché son œuvre de briller sur les scènes du Québec et du monde. Le Théâtre de Quat’Sous a eu une relation particulière avec l’œuvre de l’une de nos plus belles plumes : c’est sur nos planches que fut créé son premier texte de théâtre, Rêve d’une nuit d’hôpital. Écrit en 1975 et destiné d’abord à la radio, le texte devra attendre cinq ans avant d’être mis en scène par Gérard Poirier au Quat’Sous. Sa date de première, le 9 janvier 1980, aura valeur de symbole : la décennie précédente qui vient de s’achever a été dominée par les créations collectives, le théâtre politique, l’agit-prop. Mis à part Tremblay, les auteurs « à une seule plume » ne sont pas à la mode, la fiction a pris le bord (tiens tiens…) et les univers poétiques volontairement détachés du contexte socio-politique ne sont pas en vogue. C’est dire si la découverte de l’écriture de Normand Chaurette marque notre dramaturgie d’une pierre blanche, inaugurant une décennie florissante, où se déploieront les univers d’une nouvelle génération d’auteurs et d’autrices qui n’auront peur ni de la littérature, ni de l’imagination.

Huit ans plus tard, Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues est créé au Quat’Sous dans une mise en scène de Michel Forgues. C’est un succès… d’estime. Un soir, treize spectateurs assistent au spectacle. Qu’à cela ne tienne! Normand Chaurette n’arrêtera pas d’écrire. Il faudra la création des Reines au Théâtre d’Aujourd’hui en 1991, dans une mise en scène d’André Brassard, pour que le vent tourne – dont une entrée au répertoire de la Comédie-Française en 1997 – et qu’on reconnaisse enfin à sa hauteur l’immense talent de Normand Chaurette. Grâce au compagnonnage scénique du metteur en scène Denis Marleau, son œuvre va briller en Europe : Le passage de l’Indiana et Le petit Köchel joueront entre autres au Festival d’Avignon.

Nous sommes nombreuses et nombreux à le pleurer aujourd’hui. Normand Chaurette était un monument d’intégrité, d’audace, et de « douce radicalité », pour employer un oxymore cher à son Shakespeare adoré : sans coup férir, sans frasques inutiles, l’écrivain laissait son œuvre creuser son propre sillon, dans lequel bien des jeunes auteurs et autrices se sont engagé·es. Il représentait pour beaucoup d’entre nous, dont l’auteur de ces lignes, un idéal, celui d’un auteur consacré à son art, à sa recherche, aux mots et à leurs fantômes.

Nos pensées les plus émues et solidaires à ses proches, à ceux et celles qui ont perçu en lui, dès les débuts, les germes d’une œuvre à venir – la famille de Leméac, René-Daniel Dubois, Michel Forgues qui nous a quittés il n’y a pas longtemps ; à ses metteurs en scène, dont Michèle Magny, Lorraine Pintal, Yves Desgagnés et Alice Ronfard ; enfin une pensée toute particulière à sa grande rencontre artistique qui eût lieu il y a plus de vingt-cinq ans, celle de Denis Marleau et de ses collaborateurs d’UBU.

Il nous reste une grande œuvre, qui n’a pas fini de nous inspirer.

Olivier Kemeid, directeur artistique du Quat’Sous

 

Photo de Michel Gagné de la pièce 𝘍𝘳𝘢𝘨𝘮𝘦𝘯𝘵𝘴 𝘥’𝘶𝘯𝘦 𝘭𝘦𝘵𝘵𝘳𝘦 𝘥’𝘢𝘥𝘪𝘦𝘶 𝘭𝘶𝘴 𝘱𝘢𝘳 𝘥𝘦𝘴 𝘨𝘦́𝘰𝘭𝘰𝘨𝘶𝘦𝘴 avec Larry-Michel Demers, Jean-Guy Viau, Martin Drainville et Jean-Louis Roux.