LISE BERGEVIN
IN MEMORIAM
1946-2019
Photo : Georges Dutil
Photo : Georges Dutil
Lise Pouliot Bergevin était une éditrice engagée et entièrement dévouée à la maison Leméac.
Dans ses propres mots être éditeur c’était « aimer passionnément la littérature et ceux qui la font, les écrivains. Découvrir, aller à la rencontre de nouveaux auteurs, de nouveaux textes. Et avoir le désir de faire connaître nos découvertes au plus grand nombre de lecteurs d’ici et d’ailleurs ».
Elle a débuté dans le milieu de l’édition en juillet 1976 aux Éditions françaises - Larousse Canada comme adjointe à l'édition. Elle a par la suite rempli successivement les postes d’adjointe à l’édition, d’attachée de presse, de directrice de l’édition et de directrice commerciale.
En 1988, avec Jules Brillant et Pierre Filion, elle a contribué à faire renaître des cendres les Éditions Leméac (créées en 1957 par Gérard Leméac-Vigneau) sous le nom de Leméac Éditeur. Une des plus spectaculaires opérations de sauvetage de l'histoire de l'édition québécoise. Elle devient alors actionnaire et directrice générale de Leméac Éditeur.
En 1988, elle deviendra également coordonnatrice des revues savantes de l'Université de Montréal (Études françaises, Meta, Sociologie et Sociétés, etc.).
En 1989, née de l’amitié entre Lise Bergevin et Hubert Nyssen, une collaboration est conclue avec l'éditeur français Actes Sud. Une fructueuse entente qui, encore aujourd’hui avec Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani, a permis de publier de très nombreuses coéditions, faisant ainsi découvrir aux lecteurs français, au fil des ans, des écrivains québécois majeurs tels que Michel Tremblay, Jacques Poulin, Antonine Maillet, Francine Noël, Normand Chaurette, Ying Chen, Wajdi Mouawad, Aki Shimazaki – et aux lecteurs québécois les écrivains Göran Tunström, Nancy Huston, Paul Auster, Yoko Ogawa, Alberto Manguel, Jose Carlos Somosa, Don DeLillo, Laurent Gaudé...
Lise Bergevin a reçu le Prix Fleury-Mesplet du Salon du livre de Montréal en 2010, un prix destiné à souligner le mérite d’une personne, d’un organisme ou d’une compagnie qui, par son action et son dynamisme, a contribué au progrès de l’édition au Québec.
Lise,
C’est avec douleur et tristesse que nous avons appris ton décès en fin de semaine dernière, emportant avec toi les milliers de bonheurs du singulier métier d’éditeur littéraire qui a mobilisé tes forces vives et ta générosité pendant les trente et un ans de notre association. Ta grande détermination à la direction générale de Leméac et l’immense affection que tu as portée aux écrivains de la Maison continueront d’éclairer longtemps notre chemin d’éditeur.
Les employés de la Maison, anciens et actuels, se joignent à moi pour saluer en toi la grande artisane et une figure unique de l’édition québécoise moderne, bellement ouverte sur le monde.
Repose en paix, chère Lise.
Pierre Filion, Leméac Éditeur
Nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui aimaient et appréciaient beaucoup notre mère pour tout ce qu’elle a fait pour les auteurs et le monde de l’édition. Elle nous a laissé un héritage précieux et nous souhaitons que chacun de nous fasse de son mieux pour être à la hauteur de cet héritage. Sa passion et son amour pour les écrivains et la littérature étaient plus forts que tout, elle a mis beaucoup d’efforts et usé d’une grande ténacité avec Jules Brillant et Pierre Filion pour sauver Leméac de la faillite et pour y garder les auteurs. Tout au long de ces années, elle a déployé une grande énergie afin que de nouveaux auteurs aient une place dans la programmation de Leméac: ce n’était nullement le profit immédiat qui lui importait mais les écrivains et la littérature. Durant toute ces années, elle n’a eu de cesse d’avoir des projets afin d’en faire profiter les auteurs et la littérature.
Bien avant de devenir éditrice, ma mère nous a transmis l’amour de la lecture et des arts. Alors que j’étais toute jeune, elle devait être vigilante afin que je ne passe pas mes nuits à lire, cachée dans mon placard avec une lampe de chevet. Ses fidèles amies de toujours, Thérèse et Lucille, étaient de grandes artistes et de grandes femmes. C’est en étant entourés de celles-ci que nous avons grandi, enveloppés de la sensibilité exquise de ces femmes. Son amitié toute particulière avec Mercedes Palomino l’a aussi amenée à s’engager dans le conseil d’administration du Théâtre du Rideau vert.
Son destin d’éditrice allait s’amorcer dès après la séparation de nos parents. Peu de femmes à cette époque quittaient leur mariage pour pratiquement se lancer dans le vide. Elle est retournée sur le marché du travail et a rebâti sa vie à force de volonté, de travail, de courage et de détermination. Elle a fait tout cela, armée d’une intelligence exceptionnelle, d’une discipline de fer et d’une organisation sans pareil. Voilà une partie de l’héritage qu’elle nous a transmis. Le mot d’ordre était et restera de ne jamais baisser les bras, de ne jamais abdiquer devant l’adversité et de constamment donner le meilleur de soi-même. Le meilleur d’elle-même elle le donnait autant dans son travail que dans ses liens avec les autres.
Ma mère était une femme passionnée et généreuse dans tous les aspects de sa vie. Mon frère et moi avons grandi avec l’intime certitude d’avoir été profondément aimés. La famille, pour elle, était une valeur primordiale. Ma mère n’était jamais autant heureuse que lorsqu’elle cuisinait, entourée de sa famille. Et croyez-moi, c’était toute une cuisinière.
Maman avait cette capacité d’entrer en relation de façon très profonde, et ce, avec chacun. Dans son écoute comme dans ses paroles, on sentait toute la tendresse qu’elle avait pour les gens, et même l’amour qu’elle pouvait leur vouer. C’était certes là sa plus belle qualité : tous ceux qui l’ont connue vous le diront.
Notre mère avait une affection toute particulière pour les enfants. En leur présence, tout autre personne, même Hubert Nyssen, était reléguée au second plan. Son visage et toute sa personne s’illuminaient devant la beauté et la simplicité des enfants. Elle y puisait énormément de joie de vivre.
Ma mère, dans ses dernières volontés, a clairement stipulé qu’elle ne souhaitait pas de funérailles.
C’est maintenant à chacun de nous de se porter garant du riche héritage que tu nous laisses. Maman, tu vivras désormais dans nos souvenirs et surtout dans nos cœurs.
Sonia et Pierre Bergevin
Antonine Maillet - Photo : Paul Labelle
Merci, Lise, d’avoir compris qu’une maison d’édition n’est pas une fabrique, pas même une librairie. Alors comment la définir?
À l’écrivain qui durant toute sa vie cherche à donner forme à ses rêves, à son univers grouillant de figures inachevées, et dans des mots aux sonorités et aux sens multiples, Leméac depuis sa création en 1957 et Lise Bergevin avec sa nouvelle équipe en 1988, ont travaillé à offrir ce logis aux créateurs en quête des infinis possibles.
Avec courage et détermination, parfois dans la controverse et les nuits blanches, mais toujours avec amour pour l’écrivain, tu as donné un sens, Lise, à ta propre vie.
Antonine
Michel Tremblay - Photo : Laurent Theillet
Très chère Lise,
En plus des trente années d’amitié et de travail qui nous lient, tu es à la source d’une de mes œuvres dont je suis le plus fier. Longtemps tu as manifesté le souhait, et je t’en serai éternellement reconnaissant, que j’écrive, que je décrive l’enfance de Nana. Tu y revenais souvent et je te répondais que j’y réfléchissais. J’ai donc commencé l’écriture de La Diaspora des Desrosiers à cause de toi et pour toi. Ces derniers temps, tu me parlais de celle de Victoire et je n’ai pas eu le temps de commencer avant ton départ. Mais qui sait...
Je t’aime pour toujours,
Michel
Nancy Huston - Photo : Guy Oberson
Alberto Manguel - Photo : Craig Stephenson
Lise Bergevin appartenait à une race d’éditeurs en voie de disparition. D’abord, parce qu’elle lisait ce qu’elle publiait, et elle ne publiait que ce qu’elle aimait. Ensuite parce qu’elle croyait en l’auteur, non en un livre en particulier susceptible de devenir un best-seller. Certes, il y avait des livres qu’elle avait à cœur, et d’autres qu’elle admettait par considération pour l'auteur. Mais surtout elle pensait qu’un écrivain, comme tout créateur, suit un parcours de découverte qui parfois dure toute la vie. Lise savait patienter. Jamais elle ne demandait à un auteur de se précipiter, d’achever en hâte un nouveau livre, de produire coûte que coûte quelque chose pour la nouvelle saison.
Souvent, si Lise choisissait un auteur pour Leméac, elle le choisissait à vie. Elle lui permettait d’explorer des champs divers, d’essayer du nouveau, surtout, de se tromper. La notion de faillite ne faisait pas partie de son vocabulaire intellectuel. Un livre pouvait ne pas réussir, mais Lise savait que cet exercice, en apparence raté, pouvait être la porte d’entrée vers une œuvre majeure, encore cachée dans le noir. Elle avait une foi profonde en ses auteurs et en la littérature.
Pour moi, Lise était une marraine, une bonne fée, une lectrice privilégiée, une amie chérissime. Je l’aimais beaucoup. Le monde, pour moi, est dorénavant plus pauvre à l’ombre de son absence.
Alberto Manguel
Audrée Wilhelmy - Photo : Jean-François Paga
Après m’avoir accueillie à bras ouverts chez Leméac, un soir de rentrée littéraire dans le Vieux-Montréal, Lise Bergevin a passé des midis entiers à m’expliquer le fonctionnement du milieu éditorial. Elle a décortiqué pour moi tous les rôles que joue un éditeur et m’a outillée pour que je sois une écrivaine sans naïveté, qui comprend les rouages du monde du livre, qui sait apprécier chacun des intervenants de cet écosystème complexe. Je n’oublierai jamais son accueil il y a huit ans, ni tout ce qu’elle m’a appris depuis. J’ai envie aujourd’hui de dire merci et de souhaiter bon repos à cette grande dame volontaire et formidable.
Audrée Wilhelmy
Sylvie Drapeau - Photo : Angelo Barsetti
Chère Lise Bergevin,
J’étais et je suis toujours remplie d’admiration devant le travail que vous avez accompli en tant que gardienne-guerrière de la maison Leméac. Vous avez consacré votre vie à cet amour indéfectible aux livres, aux auteurs. Nous sommes nombreux à être complètement déstabilisés par votre départ. Nous sommes sans mots car la terre vient de trembler. Alors je dirai simplement que je n’oublierai jamais ce moment, où en sortant du lancement de mon troisième livre, vous nous aviez spontanément invités, mes fils et moi, à manger de la pizza. Je sais ne pas être la seule à avoir ce genre de précieux souvenirs avec vous. Car derrière l’impressionnante femme que vous étiez, derrière une grande pudeur aussi et beaucoup de classe, il y avait ce cœur simplement immense. Vous avez toute notre reconnaissance!
Sylvie Drapeau
Il y a dix ans, je rencontrais Lise pour la première fois. C’est avec elle que j’ai signé mon premier contrat d’édition pour mon premier roman, Bouées de sauvetage. Je me souviens de cette journée-là… J’étais terrifié. Mais je me souviens aussi de son visage bienveillant et de ses bons mots, de sa sensibilité et de sa force tranquille. Elle était heureuse de me souhaiter la bienvenue dans la famille Leméac. Ce jour-là a changé ma vie, comme si elle venait de confirmer que j’étais un écrivain.
Son départ me bouleverse beaucoup. C’était, en effet, une femme exceptionnelle, et son absence sera douloureuse… pour moi, mais aussi pour tous ceux et celles qui ont déjà eu le bonheur et l’honneur de la côtoyer.
Merci pour tout, Lise.
Patrick Isabelle
Adieu, chère Lise.
Et merci – pour tout – du fond du cœur.
René-Daniel Dubois
Je perds une alliée, une femme qui a toujours cru en moi et qui m’a secondé tout au long de ma carrière.
Sa voix rauque, ses yeux perçants, son look New England… Elle restera à tout jamais dans ma mémoire comme une femme éclairée, profondément dévouée à la défense de la littérature et de son accessibilité.
Michel Marc Bouchard
Lise Bergevin était une femme intelligente, généreuse et une éditrice exceptionnelle. Travailler avec elle comme auteur et éditeur était un pur bonheur. Elle a su conjuguer l'ancien et le nouveau, être fidèle à ses auteurs bien établis et publier beaucoup de jeunes auteurs. Elle avait du métier et prenait des risques, comme tous ceux et celles qui créent; elle croyait qu'il fallait faire confiance à l'avenir, aux auteurs plutôt qu'au marché, et que c'était là la seule façon de sauver la littérature.
Elle va nous manquer.
Yvon Rivard, Leméac Éditeur
Le Québec qui aime la littérature ne sait pas à quel point il vient de perdre une grande dame, une force vitale, une incroyable guerrière. C’est elle qui a fait de moi un écrivain, un éditeur, en m’encourageant, en m’engageant. Elle aimait les écrivains, les protégeait. Elle cherchait par tous les moyens à pérenniser la place de la littérature québécoise dans nos librairies, dans nos bibliothèques, dans nos cœurs.
Lise Bergevin, directrice générale de Leméac Éditeur, n’est plus. Je l’aimais. Nous étions nombreux à l’aimer.
Salut, Lise.
On écrira pour toi.
Jean Barbe, Leméac Éditeur
Lise Bergevin a occupé une place inestimable dans le milieu du livre québécois. Il y a vingt ans, elle m’accueillait généreusement dans son équipe éditoriale pour un stage qui ne s’est jamais fini : je n’ai cessé depuis d’apprendre chez Leméac, cette boîte qui réunit tant d’auteurs qu’elle aimait immensément.
Nous sommes nombreux à recevoir l’annonce de sa mort avec une profonde tristesse.
Marie-Josée Roy, Leméac Éditeur
Elle savait diriger, avec respect et affection. Je suis si triste.
Merci pour tout, Lise.
Maxime Mongeon, Leméac Éditeur
Je pense très fort à Lise, si lumineuse.
Sabine Wespieser, Sabine Wespieser Éditeur
Le milieu littéraire perd une éditrice rigoureuse, qui avait une haute idée de notre profession et de la littérature.
Éric de Larochellière, Le Quartanier
C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Madame Lise Bergevin, directrice générale de Leméac Éditeur et figure importante des lettres québécoises et francophones. Toutes nos condoléances à la famille, aux proches et à l’équipe de Leméac.
Éditions du Boréal
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris aujourd’hui le décès de Madame Lise Bergevin, directrice générale de Leméac Éditeur.
Nous tenons à offrir nos condoléances à sa famille ainsi qu’à l’équipe.
Éditions Québec Amérique
Mes pensées sont avec Pierre et toute la famille de Leméac. L’équipe de HMH vous offre ses plus sincères condoléances. Le départ de Lise va laisser un grand vide dans le milieu de l’édition. HMH perd une amie.
Arnaud Foulon, HMH
Quelle femme de caractère, sympathique, avisée, entreprenante ! Toujours débordante d’énergie !
Bertrand Py, Actes Sud
Je n’arrive pas à croire que nous ne verrons plus Lise, elle qui était la vie même, un modèle existentiel, et dont me restera une image à jamais lumineuse.
Marie-Catherine Vacher, Actes Sud
Lise était une grande dame, élégante jusqu’au bout dans son incroyable discrétion sur son état de santé, immense éditrice sérieuse, solide, fiable, et pleine d’humour et de tendresse.
Marie Desmeures, Actes Sud
Un grand deuil pour le milieu littéraire…
Toute l’équipe du Salon du livre de Montréal souhaite offrir ses plus sincères sympathies à la famille de Madame Bergevin ainsi qu’aux ami.e.s, auteur.trice.s et collègues qui ont eu la chance de côtoyer cette grande dame.
Salon du livre de Montréal
C’est avec une grande tristesse que l’ANEL a appris le décès de Madame Lise Bergevin, directrice générale de Leméac Éditeur. L’ANEL souhaite offrir ses plus sincères condoléances aux proches de Madame Bergevin ainsi qu’à la grande famille de Leméac, que ce soit les auteurs ou les collègues, qui ont côtoyé cette grande dame qui aura marqué l’édition québécoise.
Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)
Quelle tristesse d’apprendre le décès de Lise Bergevin… Une femme forte, vive, et visiblement amoureuse de son métier et des auteurs. Une immense perte pour la culture, pour le Québec !
Marie-Andrée Beaudet, Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Laval
Dernièrement, nous apprenions le décès de Madame Lise Bergevin, directrice générale de Leméac Éditeur. Nous désirons souligner son travail et son engagement en faveur du livre québécois et francophone. Ses profondes convictions et sa détermination ont marqué et marqueront longtemps et positivement l’ensemble de l’industrie culturelle et littéraire au Québec. Merci pour votre apport et pour votre exemple.
Nous offrons nos condoléances à sa famille, à ses amis, et à tous les employé.e.s, les collaborateur.trice.s et les auteur.trice.s de Leméac Éditeur.
Librairie Paulines
Comment concevoir un seul instant que Lise Bergevin ne soit plus à la tête de Leméac ? Il faudra du temps pour bien intégrer cette triste nouvelle. Madame Bergevin était un modèle pour plusieurs d’entre nous, et j’imagine le rôle de mentor qu’elle a pu jouer auprès de plusieurs de vos collègues. J’ai toujours eu une immense admiration pour Madame Bergevin et, pour moi, la côtoyer à l’occasion était un réel privilège.
Carole Boucher, Conseil des arts du Canada