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Dans l’univers thérapeutique de Symbiose, un atelier de croissance personnelle dont la mise au point est encore à l’étude, une dizaine de cobayes dans la jeune trentaine sont réunis. Au cours de ces expériences, on ne boude pas les rapports d’agressivité physique pour venir à bout des forces contradictoires qui cohabitent en chacun. Partant du principe que chaque être est son pire ennemi, cette forme d’art-thérapie favorise des partenariats supervisés entre les stagiaires, visant à une exploration de leurs forces positives pour parvenir à la reconnaissance de leurs instincts autodestructeurs et à une réconciliation avec eux-mêmes. Mais voilà que ce programme est compromis par la mort de Michael Ropa, l’un des participants, retrouvé sauvagement assassiné sur les lieux de l’atelier.

 

 PRÉSENTATION

À travers une trame policière où les principaux personnages sont soupçonnés de meurtre, ce roman raconte surtout l’histoire de deux frères, Alex et Jay-Rémi, séparés à l’adolescence, qui se retrouvent dans le souvenir d’une enfance mystérieusement étouffée. Sous le regard d’Alex, artiste en arts visuels prisonnier de la violence qui traverse son œuvre, Symbiose met en scène les rapports distordus unissant des membres d’une génération aux prises avec ses déchirements et à la recherche d’une lumière salvatrice.

 
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ENTREVUE AVEC NORMAND CHAURETTE

- Si on parlait de l’origine de Symbiose?

C’est une thérapie virtuelle que j’ai créée sur un site web. Le site en question n’est plus accessible pour ne pas causer de malentendu avec la version numérique du roman publié que ce projet est devenu.

- Donc, au tout début, il n’y avait pas d’intention romanesque?

Je n’y pensais même pas. Dieu merci, j’aurais tout détruit en commençant. Même s'il s'agit au départ de créer des personnages: des dysfonctionnels, des hasardés, des délinquants, autour d'une vraie mise au point thérapeutique que j'invente à partir d'expériences personnelles pour étudier des comportements autodestructeurs. J’ai donc envie de m’inventer un réseau social personnel, avec des profils, des éducateurs, des observateurs. Je travaille là-dessus quotidiennement de mai 2017 jusqu’en septembre 2018. C’était passionnant

- Comment sont apparus les personnages du roman? 

Dans la version web, il y en a une cinquantaine. On parle d’environ trente stagiaires, et d’une vingtaine de membres dans l’équipe qui les supervise. La partie la plus ardue du travail étant faite, c’est-à-dire la mise au point de la thérapie, l’idée de créer une fiction à partir de cet univers s’est finalement imposée. Et puis plein de gens qui visitaient mon site me suppliaient d’écrire un roman à partir de cette matière parce qu’ils n’étaient pas à l’aise avec l’ordinateur, les hyper-liens, les avatars, etc. Ils voulaient un roman « qu’on puisse tenir entre les mains ». J’ai donc regroupé les différents types psychologiques, retenu neuf participants et cinq membres de l’équipe thérapeutique. Mais je n’avais toujours pas d’histoire à proprement parler. Seulement que des travaux pratiques et des cas cliniques.

- Un peu comme si, au théâtre, on avait déjà les acteurs et le décor, mais pas de texte?

J’adore cette façon de travailler. C’est la base de la construction en général. On n’habite pas les lieux avant d’avoir fini de construire la maison

- Pourquoi une trame policière?

Parce que je ne sais pas faire autre chose. J’aimerais être un auteur à la fois intime et universel comme Nancy Huston, Margaret Atwood, mais je n’ai ni le vécu ni la ferveur des écrivains qui rallient un lectorat par la seule force de leur charisme. Mon théâtre m’a amené loin, mais au roman, je me sens tout petit. Je suis le contraire d’Henry James: il se mourait d’envie d’écrire pour le genre théâtral alors qu’il était fait pour la subtilité des vies intérieures dans ses romans par ailleurs diaboliques et palpitants.

- Si ton roman pouvait parler, qu’est-ce qu’il dirait de lui-même?

J’ai tout fait pour qu’il raconte une histoire, et non pas pour qu’il se mette en position de se raconter lui-même

- Si on lui faisait passer le questionnaire de Proust? Histoire de percer quelques-uns de ses secrets? Quelle est la vertu que tu aimes le plus de Symbiose?

L'action. Les chapitres sont courts, ce qui m’a évité de m’étendre et de me perdre en mille méandres poétiques. Il y a quelques passages lyriques, quelques monologues intérieurs, des scènes érotiques, mais qui ne dépassent jamais une page et demie

- La qualité que tu préfères chez le personnage principal masculin?

Alex, le narrateur, est le jeune adulte que j’étais moi-même à son âge. Ce que je préfère chez lui est le pouvoir imaginatif qu’il entretient sur le réel, pouvoir qui est sa bouée de sauvetage car il ne survivrait pas sans ça.

- La qualité que tu préfères chez le personnage principal féminin?

Le courage fougueux avec lequel Oliane, l'une des animatrices du stage, s’investit dans l’aventure auprès des participants. Elle est entière, les aime inconditionnellement. Envers ses supérieurs qui chapeautent l’expérience, elle est d’un aplomb redoutable bien que son côté rebelle la mette parfois en conflit avec le reste de l'équipe.

- Quel est le principal trait de caractère de ce roman?

Son sens de la liberté par rapport à la mode et à l’actualité qui prennent beaucoup de place dans les préoccupations artistiques en ce moment. Bien qu'il aborde des questions brûlantes, en particulier au chapitre de la violence masculine, Symbiose ne donne pas dans le tabou pour sa réclame, et ne prêche aucunement en faveur ou en défaveur des positions morales, politiques, religieuses, de gauche ou de droite qui constituent l’essentiel de sa trame. Il raconte une histoire de laquelle il se dégage une humanité dans le marais boueux qui en constitue le décor. Pour moi, Symbiose est d’abord et avant tout un roman d’amour.

- La qualité que tu préfères chez les autres personnages?

Leur honnêteté. C’était, dès le départ, la contrainte que je m’étais imposée: ne jamais mentir à ma lectrice ou à mon lecteur, ne jamais inutilement l’orienter vers de fausses pistes. Bien sûr, puisqu’il s’agit d’un roman policier, on doit pouvoir admettre certaines entorses à la vérité, principalement lors des interrogatoires, mais quand c’est le cas, tôt ou tard, les personnages eux-mêmes se rétractent et donnent une version véridique des faits.

- Le principal défaut de ton roman?

Son réalisme psychologique. J’aurais voulu faire un monochrome abstrait et j’ai finalement écrit une histoire à la Agatha Christie. Pour répondre honnêtement, j’entretiens par rapport à ce texte les mêmes réticences qu’Alex, le narrateur, éprouve vis-à-vis de ses sculptures sur bois: il est toujours découragé de les voir prendre forme dans la réalité alors qu’elles étaient si pures quand il les a conçues dans sa tête.

- Quel est l’aspect qui a prédominé dans le travail d’écriture de Symbiose?

Le souci continuel de mener une histoire à trois (Alex, Damien et Jay-Rémi), malgré un cadre qui, pour la rendre possible, fait appel à d’autres personnages importants. J’ai recommencé une cinquantaine de fois le chantier initial

- Où se situe le rêve du bonheur dans ce roman?

Dans le désir de se rapprocher des joies insouciantes de l’enfance. Alex et Jay-Rémi incarnent ce but à atteindre, impossible au départ, mais auquel ils parviennent à la fin, malgré ce qu’il leur en coûte.

- Et où est le malheur?

Dans la violence. Une violence exacerbée par le désir, chez Alex, de ressembler aux autres. Chez Damien, dans ses pulsions sexuelles dévastatrices, et, chez Jay-Rémi, dans son besoin maladif d’être admiré.

- Si Alex, et donc toi, vous n’étiez pas vous-mêmes, qui auriez vous aimé être ?

Nous aurions aimé être Kin, le directeur du stage. Il paraît nocif au commencement; or il s’avère d’une grande intégrité dans sa mission. Là où il semble inflexible, on finit par le découvrir vulnérable, surtout dans ses sentiments amoureux. De plus, il est très charismatique, beau physiquement, et il possède la maturité de la quarantaine autoritaire.

- Dans quel lieu de ce roman aimerais-tu vivre?

Dans le bureau de Georgina, la metteuse au point de la thérapie. Par sa fenêtre, elle voit tout ce qui se passe à l’extérieur, et par une baie vitrée qui donne sur le local des ateliers, elle peut tout voir sans être vue

- Quelle couleur et quelle fleur préfères-tu dans ce roman?

La couleur noire de la nuit où les étoiles se reflètent dans un égout à ciel ouvert, et la fleur qui s’en dégage, comme les crocus qui bravent le gel au printemps chez la mère d’Alex.

- Le plat que tu préfères dans Symbiose?

Les sandwiches à la cafétéria.

- La boisson que tu préfères?

L'ayahuasca, la drogue des chamans. Malheureusement, c'est Damien, et non Alex, qui la consomme lors d'un jeu de roulette russe avec ce dernier

- Parmi les auteurs et autrices cités dans Symbiose, quelles sont tes préférences?

Amélie Nothomb. Elisabeth Kübler-Ross.

- Et les poètes?

Lautréamont. Et Pouchkine, dans les traductions d'André Markowicz. 

- Quels sont les héros fictifs que tu préfères parmi ceux que tu nommes dans ton roman?

Jésus, et Judas. Quoique dans Symbiose il s'agisse du même être, face montrée, face cachée.

- Et les héroïnes?

La Walkyrie, Marie Stuart.

- Les musiciens et les peintres que tu préfères parmi ceux que tu cites dans Symbiose?

Il n'y a pas de musiciens qui sont cités dans cette histoire. Cela faisait partie d'une autre contrainte que je m'étais proposée. Tous mes textes depuis 1980 sont basés sur la musique et les œuvres musicales. C'était presque devenu une béquille. Je voulais que Symbiose soit l'exception. Pour ce qui est des artistes peintres, ceux du Quattrocento sont mes préférés, surtout Piero della Francesca.

- Le héros que tu préfères dans le roman?

Jay-Rémi. Tout ce roman est un cri de désir pour ce super-héros (ou anti-héros, car il a les caractéristiques des deux). 

 - Et l'héroïne ?

Georgina. Comme le dit Oliane, et je le pense aussi, c'est une figure incontournable du vingtième siècle, qui est inspirée de Lili Elbe, la première transsexuelle de l'histoire, et de Françoise Dolto, la metteuse au point de thérapies révolutionnaires dans le monde pédiatrique. Georgina emprunte à ces deux personnalités par son audace et son insolence envers les mœurs et les traditions

- Quelle est la réforme positive ou l’évolution historique dont s'inspire le roman? 

L'histoire des thérapies comportementales, et particulièrement l'avènement de l'art-thérapie, qui fait appel à l'imaginaire des participants.

- Les fautes qui t’inspirent le plus d’indulgence?

L'homophobie de Thomas-Didier, les exactions de Damien, qui lit le journal intime d'Alex et la façon qu'il a de s'approprier les secrets des autres avec une spectaculaire absence de scrupules.

- Le don de la nature que tu voudrais que ce roman puisse avoir?

- La clarté.

- Comment aimerais-tu qu'il meure? 

N'importe comment, pourvu que je meure avant lui. 

- En quoi voudrais-tu qu'il soit réincarné?

En un film de Robert Lepage.

- Sa devise?

Être là où on doit être, pour se souvenir de qui et de pourquoi on est.

- Son état d’esprit actuel?

L'envie de se trouver entre des mains qui vont l'aimer.

 
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EXTRAIT

L’ennemi se tient debout près d’un arbre.
Il m’attend.
Il a fait de moi son fantôme.
Entre lui et moi, la confrontation sera d’autant plus mystérieuse que nous ne nous connaissons pas, sinon que par nos conquêtes et par le nombre de trophées que nous avons gagnés l’un contre l’autre.
Si j’arrive à le vaincre, lui, mort, fera en sorte que je serai son égal d’ici peu de temps, et que je l’aurai surpassé dans le futur.
Voici l’heure où nos courages sont au rendez-vous.
Nous ne parlons pas encore d’affrontement. J’ai peur de lui autant que j’ai peur de moi-même. Rien n’est plus inconfortable que d’anticiper un tête-à-tête où l’on sait d’avance que le vis-à-vis ne fera pas de cadeaux.
Craindre la défaite nous la fait voir presque incontournable, alors que, paradoxale-ment, espérer la victoire ne rend absolument pas cette dernière probable.
De l’ennemi, on tire l’apprentissage. Il faut, tout en le combattant, reconnaître en lui un maître.

PRESSE

C’était rafraîchissant, car je n’avais jamais lu quelque chose de semblable. Alors que je m’attendais à une trame plus policière, j’ai trouvé un récit sur la violence humaine. Je me suis questionnée avec le personnage tout au long du livre. C’est une réflection sur le mal qui nous habite tous un peu, bien enfoui sous des couches et des couches de bien. Il faut laisser aller les maux et les regrets auxquels nous nous accrochons et faire la paix avec ce mal pour trouver le bonheur. Un roman à lire absolument! 

— @rose.lignes.ytb


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NORMAND CHAURETTE

Dramaturge reconnu, dont l’œuvre a été jouée à la Comédie- Française, Normand Chaurette a été quatre fois lauréat du Prix littéraire du Gouverneur général, avec Le passage de L’Indiana, Le petit Köchel, Ce qui meurt en dernier et Comment tuer Shakespeare.

Photo : D. R.

Roman / Prix indicatif : 25,95 $

240 pages environ / 14 x 26,1 cm / 978-2-7609-4878-5

En librairie le 25 août 2021

Également disponible au format numérique - ePub