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La population de Sweetland, île au large de Terre- Neuve, a connu des temps prospères grâce à la pêche, mais la situation est aujourd’hui bien différente. Le gouvernement s’apprête à renoncer à l’entretien de ces arpents de terre éloignés en relogeant avec compensation financière les insulaires restants. Cet argent ne sera alloué que si tous sont d’accord pour partir. Moses Sweetland, descendant des fondateurs suédois de l’île, est animé par un vif sentiment d’appartenance et convaincu qu’un exil sur le continent le fera s’étioler. La pression parfois violente des autres résidents et l’opposition de ses proches le contraignent toutefois à souscrire à l’offre gouvernementale. Un drame survient alors, et Sweetland reste le seul habitant de l’endroit désormais désert. Malgré les réserves de nourriture qui s’amenuisent et les affres d’un climat inhospitalier, il s’efforce de garder la raison, entouré de ses fantômes.

 

  EXTRAIT

« Sweetland traversa la pièce, alluma un feu dans le poêle et attendit que le petit bois prenne. Puis il remplit la chambre de combustion jusqu’à ce que les flammes ronronnent. Il mit une casserole d’eau sur le fourneau et sortit un seau de sous l’évier dans lequel il versa de l’eau de Javel. Il ramassa les restes de la morue et les mit dans deux sacs de plastique qu’il porta derrière la remise. Le chien le suivit à la trace et l’observa tandis qu’il creusait un trou pour enterrer les déchets et tassait la terre en la piétinant. Puis il retourna à l’intérieur, s’assit près du portrait de l’oncle Clar et attendit que l’eau bouille.
Il passa le reste de l’après-midi à récurer la cuisine. Il frotta le linoléum avec une brosse, puis passa la serpillière; il attendit dans le porche tandis que le plancher séchait. Il monta sur une chaise pour vider les placards et les gratter, puis se mit à nettoyer les tiroirs. Il sortit le ramasse-couverts et s’arrêta net quand il vit la feuille de papier pliée en deux juste en dessous.
Il voyait la rangée de lettres collées au revers, et ses mains tremblaient quand il la mit à plat devant lui. FOUS LE CAMP, disait le message, OU TU VAS LE REGRÉTÉ ET PAS QU’UN PEU. Sweetland s’appuya contre le comptoir et se frotta le visage contre l’épaule. Il avait l’impression que des insectes couraient sous ses vêtements. Impossible de savoir depuis combien de temps la missive traînait là et attendait qu’il tombe dessus, mais la menace avait une dimension biblique à présent, quelque chose d’irréfutable et de définitif. Il roula la feuille en boule, se tourna vers le poêle et la balança dans les flammes. Il remit le clapet sans attendre qu’elle prenne feu. »

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MICHAEL CRUMMEY

Michael Crummey livre un roman très sensible, dans lequel les valeurs humaines sont remises en question tout en s’actualisant dans un personnage touchant de laconisme et de simplicité.

Originaire de Terre-Neuve, Michael Crummey est l’auteur de nombreux livres souvent récompensés par des prix littéraires canadiens et internationaux. La version originale anglaise a été finaliste au prix Giller, au Rogers Trust Fiction Prize et aux prix littéraires du Gouverneur général. Il vit à Saint-Jean de Terre-Neuve.

Photo : Chris Miner.

Roman / Traduit de l’anglais (Canada) par Éric Fontaine

Collection « Nomades » / Prix indicatif : 19,95 $

496 pages environ / 10,8 x 17,7 cm / ISBN : 978-2-7609-3686-7

En librairie le 26 août 2020