Lorene, une femme que rien n’entame, cherche à ressentir le temps et à en éprouver les blessures. Elle répertorie et fracasse – en vain – les os de son corps, mesure à l’aide de calculs géométriques improbables la distance qui la sépare de son amoureux, égrène les événements de sa vie à l’aune des siècles et des ères géologiques. Lorsqu’elle part se dissoudre dans le désert avec un être indéfini, Godfrey la suit.

Poétique et directe, cette pièce dense explore la construction de l’identité – y compris l’identité de genre – tant sur le plan intime que sur celui de la civilisation. Elle entrelace le quotidien, voire la farce, et la métaphore, en un souffle large aux accents nettement métaphysiques. La parole circule ici entre trois locuteurs qui se questionnent et se défont, du Centre-Sud montréalais au désert du Mojave, du pont Champlain aux sarcophages égyptiens. Sur la mémoire, sur l’avenir, sur les traces qu’on laisse, sur le désarroi, une dérive imagée aussi jubilatoire dans ses références follement scientifiques que profonde dans sa mélancolie.

 PRÉSENTATION

Après une première étape de travail à Marseille lors du festival Actoral, Sur l’apparition des os dans le corps a été présenté en lecture publique en 2018 à l’événement Dramaturgies en dialogue organisé par le Centre des auteurs dramatiques (CEAD). La pièce sera créée en janvier 2023 au théâtre Prospero, dans une mise en scène de Félix-Antoine Boutin.

Le texte est précédé d’une préface coécrite avec la comédienne Amélie Dallaire.


EXTRAIT

LORENE, à l’Autre. Tu me croiras peut-être pas, mais j’ai réussi à me casser tous les os, l’autre jour. Y a beaucoup d’os dans le corps humain : deux cent vingt-quatre. Approximativement. Je me suis cassé approximativement les deux cent vingt-quatre os en même temps. Je me suis cassé tous les petits os normaux. Les petits os normaux c’est ce qu’on a le plus. Je me suis littéralement pété les épaules, l’omoplate pis la clavicule. Pis dans les bras : l’humérus, le radius pis le cubitus. Les huit os du poignet : le scaphoïde, le lunatum, le triquetrum, le pisiforme, le trapèze, le trapézoïde, le capitatum, l’hamatum. Tout ça deux fois parce que j’ai encore deux poignets… Les quatorze phalanges des doigts plus les quatorze de mes pieds ça fait vingt-huit fois deux : cinquante-six. Je me suis cassé les cinquante-six phalanges de mon corps en même temps. Les cinq os de la paume, encore une fois multipliés par deux. Mes hanches, mes fémurs, mes rotules, mes tibias, mes péronés pis les os de mes talons. Ça, c’est ceux que ça se pourrait que tu connaisses.
— Sur l'apparition des os dans le corps, Gabriel Charlebois-Plante

GABRIEL CHARLEBOIS-PLANTE

Depuis 2012, Gabriel Charlebois-Plante a signé et produit Clap Clap, Cube blanc et Plyball, présentés entre autres à La Chapelle, au OFFTA et aux Chantiers du Carrefour international de théâtre de Québec. Président du CEAD de 2017 à 2021, metteur en scène à l’occasion (entre autres pour une relecture déjantée du Cid de Corneille), lauréat du prix Gratien-Gélinas en 2016, il a fait paraître chez Leméac Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel (théâtre Denise-Pelletier, 2018) et Histoire populaire et sensationnelle (Espace libre, 2020).

Photo : Maxime Côté.

Pièce de théâtre / Collection « Théâtre Leméac » / Prix indicatif : 12,95 $

80 pages / 12,7 x 19,6 cm / 978-2-7609-0493-4

En librairie le 25 janvier 2023

Également disponible au format numérique - ePub