“Couché au milieu du salon, tu t’es assoupi. Tu es de retour chez toi, après une longue lutte. Longue et épuisante. Le regard que tu as posé autour de toi en entrant ne ment pas : tu es apaisé. Apaisé et rassuré.
Je m’assois au bout de la table sans faire de bruit et j’ouvre mon carnet. Je note le lieu, le jour et le quantième : Saint-Barnabé, le jeudi 16 janvier. Je relève la tête, te regarde. Que vais-je écrire ? Que dois-je écrire ? Que puis-je écrire ? Me reviennent alors ces mots d’Annie Dillard : « Que commencerais-tu à écrire si tu savais que tu allais mourir bientôt ? Que pourrais-tu dire à un mourant pour ne pas le faire enrager par ta trivialité ? » Mais ce n’est pas de moi qu’il s’agit, ce n’est pas moi qui suis confronté à cette terrible réalité. À quoi bon chercher refuge dans ce carnet ? Les mots pourront-ils vraiment m’aider à t’accompagner jusqu’à la fin ? Ne devrais-je pas plutôt consacrer chacun des instants qu’il me reste à vivre à tes côtés, à profiter entièrement de ta présence ? Je m’y efforcerai chaque jour, à chaque heure, et c’est peut-être à cela que me servira mon carnet. Si l’écriture ne sert pas à cela, à quoi m’est-elle utile ? À quoi d’autre puis-je me raccrocher en ce moment ?”