Très jeune, Siri Hustvedt réalise que sa vision et son toucher diffèrent de ceux des autres : lorsqu’elle voit quelqu’un être touché à un endroit du corps, elle ressent en miroir une sensation au même endroit. Si la synesthésie visuo-tactile fascine, c’est parce qu’elle se situe à la frontière entre soi et l’autre. Et l’auteure de La Femme qui tremble lui doit sa vive conscience du fait qu’il n’y a pas de soi sans l’autre.

S’élevant contre la suprématie de l’esprit sur le corps, de la raison sur l’émotion et du masculin sur le féminin, Siri Hustvedt prône une approche non dissociative : la signification naît dans la réalité d’un corps vivant dans le monde et interagissant avec les autres.

 PRÉSENTATION

En explorant avec précision et élégance les mystères de l’hystérie, de l’imagination et de la mémoire, en proposant une analyse aussi sensible que pénétrante des ressorts du suicide, ainsi qu’une lecture très personnelle de Kierkegaard, Siri Hustvedt nous invite à arpenter avec elle autant de zones frontières – une géographie du potentiel, de la rêverie, des désirs, des attentes et des peurs, où un soi avide de reconnaissance s’entrelace sans cesse à l’autre.


EXTRAIT

Toute construction théorique, tout système d’idées, toute carte intellectuelle créée pour expliquer qui sont et ce que sont les êtres humains montre une vulnérabilité certaine au lieu même de l’incision – cet endroit où nous sectionnons une chose pour la séparer d’une autre. Sans de telles opérations de dissection, il ne peut y avoir de pensée formelle, de disciplines à part entière, de formulation claire de l’expérience humaine. Ces séparations permettent de tracer les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, entre vous et moi, entre haut et bas, ici et là, entre vrai et faux. Elles deviennent partie intégrante de toute vie savante. Cependant, comme dans un casse-tête, les points de suture changent selon l’époque où vous vivez et votre champ de recherche. Depuis de nombreuses années maintenant, j’ai pu envisager ma vie mentale de très diverses façons pour la simple raison que je me suis plongée dans des disciplines qui n’ont pas seulement des vocabulaires différents mais peuvent aussi s’appuyer sur des paradigmes différents et recourir à des méthodologies différentes, et cela dans le but de comprendre la grande question qui me préoccupe le plus : que sommes nous? Cette question change fréquemment de forme et en devient d’autres : qu’est-ce qu’une personne ? Qu’est-ce qu’un soi (self) ? Y a-t-il un soi ? Qu’est-ce qu’un esprit ? Un esprit est-il différent d’un cerveau ?
— Que sommes-nous ? Essai sur la condition humaine, Siri Hustvedt

PRESSE

Siri Hustvedt consacre des pages lumineuses à la démystification du processus créatif, détaillant les interactions de la mémoire et de l’imagination. Dans ces passages, l’écriture se fait plus fluide, exemplifiant la capacité, maintes fois décrite dans l’ouvrage, du langage à mobiliser l’être dans sa globalité et à faire résonner en sympathie le corps et l’esprit.

Alexis Raynault, Le Devoir ★★★★ 1/2


SIRI HUSTVEDT

Romancière de réputation internationale, Siri Hustvedt est également une essayiste de premier plan. En France, son oeuvre est intégralement publiée par Actes Sud. Que sommes-nous ? clôt un cycle de trois recueils d’essais entamé avec Les Mirages de la certitude (2018) puis Une femme regarde les hommes regarder les femmes (2019).

Photo : Marion Ettlinger.

Essai / Prix indicatif : 36,95 $

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Joly

336 pages environ / 13,5 x 21,5 cm / 978-2-7609-1336-3

En librairie le 19 janvier 2022