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Avec son premier roman, Aux premiers temps de l’Anthropocène, Esther Laforce a fait de la littérature un cri nécessaire. Elle nous revient deux ans plus tard avec Tombée, en parfaite continuité avec le thème de l’anéantissement qui l’obsède : à la suite d’un tremblement de terre, une femme, tombée dans une faille, s’adresse à son enfant pour rester vivante.

Laforce publie simultanément Occuper les distances, un essai littéraire qui reprend, en les décortiquant et en les amplifiant, les motifs de son nouveau roman. Génocides, guerres, horreurs ; nous sommes sans cesse confrontés à la violence du monde. Mais qu’en est-il de cette distance entre les victimes et nous, et comment comprendre l’expérience qui nous traverse en lisant des œuvres, en visitant des musées, en regardant des documentaires, en scrutant archives et témoignages qui font état de cette violence ? Peut-on parler de la Shoah sans l’avoir vécue ? Peut-on faire preuve d’empathie envers les autres tout en demeurant à l’écoute de sa sensibilité, de constater ses propres limites?

Rigoureusement documenté, ce livre n’en est pas moins personnel, voire intime. L’autrice brise les entraves à la liberté de ressentir et de témoigner de ce qui nous touche, de contrer l’indifférence et l’oubli en restant sensibles à ces expériences présentes et passées à partir desquelles il nous faut appréhender l’avenir autrement.

Esther Laforce construit son œuvre sans aucun compromis, à sa manière singulière et sensible.

 

“ La douleur des autres nous regarde. Voilà ce que dit cet essai, Occuper les distances. Dans des pages à la fois fulgurantes et remplies de douceur, Esther Laforce nous invite à prendre soin. Pour la suite du monde. ”

Martine Delvaux

 

 EXTRAIT

Je retourne à ma vie. À ce qu’elle m’offre, dans son immédiateté : le confort, sans aucun doute. La tranquillité et la sérénité ? Peut-être, parfois, pas toujours toutefois, mais dans ma vie, rien n’est comparable avec la douleur et la souffrance qui remplissent un témoignage comme celui de Charlotte Delbo. De là où je suis, penser les réalités de la violence extrême demande une certaine abstraction. Les images de la violence et les mots qui les décrivent me donnent à penser que je ne connais rien d’autre que le bonheur et la vie tranquille.
Pourtant, je m’arrête devant ces images et ces mots, et l’abstraction cède le pas à des sentiments vifs, à des réactions physiques. Les images me font quelque chose, elles me marquent, une après l’autre. Elles font battre mon cœur, me font pleurer, font naître des cris muets en moi, des cris fantômes et un sentiment de révolte dans le grand vide que devient devant elles ce quelque chose qui pense et qui sent en moi. Les réalités de la violence extrême, leurs images, leurs descriptions, ont un effet réel sur moi, un effet qui n’est plus de l’ordre de l’abstraction. Mon corps leur répond, mes pensées en sont bousculées. Les images m’appellent, elles m’engagent et m’impliquent, elles me marquent et en cela, elles forment une sorte de connaissance dans mon corps, une connaissance intime. Elles créent des souvenirs et forment une mémoire qui pourrait s’approcher de ce qu’Alison Landsberg appelle prosthetic memory et que je traduirais par mémoire prothèse. La mémoire prothèse est une mémoire des événements violents, comme les génocides, mais elle est une mémoire artificielle, comme une prothèse, parce qu’elle ne découle pas d’une expérience vécue mais d’une expérience médiatisée, par les films ou les musées, par exemple. Cette mémoire est aussi compensatoire, c’est-à-dire qu’elle compense une connaissance qui procéderait d’une exposition réelle à la violence et à la souffrance, et elle vise au développement d’un sentiment éthique envers les victimes, tout en participant à une connaissance de l’Histoire.
 

PRESSE


Esther Laforce a choisi, comme la narratrice de son roman, de donner la vie, d’offrir le monde, avec tout ce qu’il comporte d’injustices, de souffrances, d’angoisses… de beauté aussi.

— Anne-Frédérique Hébert-Dolbec, Le Devoir


Laforce entrelace tous ces motifs avec finesse et grande sensibilité. La narratrice a voulu préserver son enfant de la laideur du monde, mais se rend compte, maintenant qu’une catastrophe inimaginable est advenue, qu’elle a le devoir de raconter les peurs qui la hantent et son angoisse paralysante devant les atrocités du monde, particulièrement la Shoah, sujet central dans le roman et l’essai, et qui touche énormément l’écrivaine.

— Iris Gagnon-Paradis, La Presse


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ESTHER LAFORCE

Esther Laforce a publié son premier roman chez Leméac avec Aux premiers temps de l’Anthropocène. Avec son deuxième, accompagné de son essai Occuper les distances, elle approfondit sa réflexion sur la violence du monde et sa fin qui approche.

Photo : Audrée Wilhelmy.

Essai / Collection « L’écritoire » / Prix indicatif : 14,95 $

120 pages environ / 11,2 x 19 cm / ISBN : 978-2-7609-9474-4

En librairie le 24 février 2021

Également disponible au format numérique - ePub