Le Bout du monde est un resto de quartier en voie de gentrification. Ses habitués, médusés par la nouvelle carte un brin prétentieuse et les additions à l’avenant, blâment la compagne du patron, celle-là même qui a remplacé la légitime et rêve de chasser de la cuisine la fidèle Marjolaine.

Marqués par la trahison, le mensonge et l’abandon, les personnages d’Hélène Rioux, qu’ils soient à Montréal, en Toscane, aux Bahamas, sur la Costa del Sol, à Paris, à Mexico ou à Palma de Majorque, traversent ce fabuleux roman, le temps d’un été.

PRÉSENTATION

Qu’elle traite de sujets graves — liens familiaux, infidélité, violence conjugale, enlèvement, attentats suicides, vieillesse ou mort — ou plus légers — gastronomie, loterie, télé-réalité, publicité, culture populaire —, Hélène Rioux convoque, en véritable orfèvre de la langue, Histoire et littérature.


EXTRAIT

« C’est pas parce que les choses fonctionnent d’une façon depuis la nuit des temps qu’il faut pas les changer, comme elle aime le répéter. Tout peut s’améliorer. » Vu comme ça, elle n’a peut-être pas complètement tort. « Il n’y a pas pire eau que l’eau qui dort. » Sans doute. Mais, quand elle a voulu baptiser « hachis Parmentier » le vénérable pâté chinois, Marjolaine s’est insurgée. Trop, c’est trop. « En France, c’est ça qu’ils disent, pourtant », a fait valoir Louison, qui refusait de lâcher prise. D’habitude conciliante, Marjolaine a roulé les yeux, dents et poings serrés. Cette femme et ses diktats lui restent en travers de la gorge. « C’est pas la France ici. »
— Ou bien pâté berger, a concédé Louison, vaguement intimidée. Parce que chinois, franchement, vous admettrez avec moi qu’il n’y a rien de chinois dans ce pâté-là. »
Elle a tenté de plaisanter. « Steak, blé d’Inde, patates, vous me direz pas que c’est chinois ? » Mais Marjolaine n’a même pas souri. Elle ne préférait ni l’un ni l’autre. La réponse est tombée comme un couperet. « Parmentier ou berger ou ce que vous voudrez, moi, c’est bien simple, j’en fais pas. » Sur le point de rendre son tablier. Jean-Charles Dupont – après tout, c’est lui, le patron – lui a cette fois donné raison. Il y a des limites. « Un plat national, c’est un plat national, Louison. Ça se change pas. Même chose pour la poutine. Et tant pis si le nom te plaît pas. Au Bout du monde, on respecte les traditions. » Elle se l’est tenu pour dit, du moins pour le moment.
Donc, à part les nappes à carreaux, la musique de tango, les plantes en pot – trois machins énormes et exotiques qu’il faut penser à arroser une fois par semaine, pas une goutte de plus –, les affiches touristiques sur les murs – Pise et sa tour, Prague et son horloge, un coucher de soleil à Palma de Majorque –, c’est presque comme c’était.
— Nuits blanches et jours de gloire, Hélène Rioux

HÉLÈNE RIOUX

Née à Montréal, Hélène Rioux a publié une dizaine de romans, des nouvelles, des récits et de la poésie. Six fois finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général du Canada, elle a notamment reçu le Grand Prix littéraire du Journal de Montréal, le prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec, le Prix de la Société des écrivains canadiens et le prix France-Québec.

Photo : Daniel Montambo.

Roman / Collection : « Nomades » / Prix indicatif : 15,95 $

288 pages environ / 11 x17,6 cm / 978-2-7609-3692-8

En librairie le 5 octobre 2022

Également disponible au format numérique - ePub