« Les lecteurs du journal ne peuvent saisir les tourments du directeur : si les plaintes sont très présentes dans les échanges épistolaires, elles ne transparaissent que très rarement dans La Vérité. […] Le directeur n’évoque ses difficultés personnelles dans le journal qu’au moment où il doit s’absenter pour une longue période pour des raisons de santé.
La lecture seule du journal ne peut donc dévoiler ces états d’âme qui témoignent pourtant d’une réalité bien concrète et qui nous permettent de mieux comprendre la personnalité de Jules-Paul Tardivel. L’historiographie, pensons principalement aux travaux de Pierre Savard, nous l’a déjà présenté comme un polémiste conservateur et très intransigeant. La lecture du journal et de sa correspondance confirme ce constat. Mais en creusant davantage les nombreux échanges avec ses alliés où il se plaint régulièrement de sa situation matérielle et des difficultés morales avec lesquelles il doit composer et où il annonce, tout aussi régulièrement, qu’il abandonnera le combat, on voit apparaître un homme beaucoup plus complexe.
Même si le journal connaît de sérieuses et réelles difficultés, Jules-Paul Tardivel est convaincu qu’il est essentiel et qu’il est un rempart contre tout ce qui peut menacer l’Église catholique; il a même l’audace de déclarer que s’il ne réussit pas à susciter le soutien nécessaire à sa survie, ce n’est pas parce que le combat qu’il mène est obsolète, mais parce que Dieu le veut ainsi. Le terreau n’est pas fertile ? c’est la volonté de Dieu. Il doit affronter l’apathie de la population ou encore les lecteurs sont de moins en moins fidèles au rendez-vous ? Dieu a choisi, pour des raisons qui lui appartiennent, de ne pas utiliser son journal pour vaincre le mal. Remettre ainsi entre les mains de Dieu toutes les difficultés qu’il rencontre permet à Tardivel de se déresponsabiliser face à ses échecs. »