Le 16 octobre 2020, trente-quatre professeurs de l’Université d’Ottawa publiaient une lettre ouverte dans Le Journal de Montréal et Le Droit en appui à la professeure Verushka Lieutenant-Duval, accusée d’un supposé acte raciste dans le contexte d’un cours offert à la Faculté des arts. Ils y défendaient le principe de la liberté universitaire. S’est alors entamée une saga qui les a menés à de l’intimidation de la part des étudiants, à des confrontations épiques avec des collègues et à de lourds démêlés avec l’administration. Les « 34 » ont fait de multiples entrevues dans les médias tant régionaux que nationaux, voire internationaux, pour expliquer leur position et la défendre. Des intellectuels de partout au Québec sont intervenus dans le débat, qui s’est aussi déplacé dans l’arène politique. D’un événement à l’autre, l’Université d’Ottawa s’est retrouvée en pleine crise, amplifiée par la diversité des perceptions et la force des émotions.

 PRÉSENTATION

Cet ouvrage vise à raconter cette crise. Des membres du « groupe des 34 » y relateront comment ils l’ont vécue et ressentie, comment elle s’est imposée dans leur vie de professeur jusqu’à venir bousculer leur vision du monde universitaire. Les uns évoqueront les effets qu’a eus la crise sur leur façon d’exercer leur métier en s’interrogeant sur les pièges de l’autocensure et des multiples avertissements aux étudiants. D’autres réfléchiront sur les enjeux soulevés par la multiplication d’événements comme celui qu’a connu l’Université d’Ottawa, sur leur discipline et plus largement sur le développement et la transmission des connaissances. D’autres enfin s’interrogeront sur les dérives possibles d’une université où la liberté académique semble assiégée de toutes parts, entre consumérisme et diktats de la gauche identitaire. Tous voudront saisir la portée, le sens et les marques que la crise laissera à l’Université d’Ottawa et dans les autres lieux de transmission du savoir.

Sous la direction d’Anne Gilbert, de Maxime Prévost et de Geneviève Tellier, avec des textes de Pierre Anctil, Nathalie Bélanger, Geneviève Boucher, Marc Brosseau, François Charbonneau, Nelson Charest, Anne Gilbert, Yves Gingras, Verushka Lieutenant-Duval, E.-Martin Meunier, Isaac Nahon-Serfaty, Sylvie Paquerot, Maxime Prévost et Geneviève Tellier.


EXTRAIT

INTRODUCTION :
NOTRE CRISE D’OCTOBRE

Anne Gilbert, Maxime Prévost et Geneviève Tellier

C’est assez paradoxal, mais aussi très révélateur : un événement survenu dans une université située hors du Québec a enflammé le discours social québécois pendant des mois. Étrangement, l’affaire a fait relativement peu de bruit dans le reste du Canada, du moins en comparaison des débats suscités au Québec. Ce qui était choquant pour une grande majorité de Québécois (mais pas pour tous, faut-il le rappeler) était tout à fait acceptable ailleurs au pays.
L’objectif de cet ouvrage est de donner la parole aux acteurs qui se sont trouvés, sans le vouloir et sans le prévoir, au cœur de cette tourmente. En signant une lettre publiée par Le Journal de Montréal le 16 octobre et Le Droit le 17 octobre 2020, 34 professeurs de l’Université d’Ottawa voulaient manifester leur appui à la liberté universitaire et à une jeune professeure, au statut précaire, à qui on avait imposé des mesures disciplinaires alors qu’elle n’avait fait que son travail. Ces 34 professeurs voulaient rappeler aux dirigeants de leur université et aussi dire publiquement que la salle de classe était un lieu de débats, d’analyses, de réflexion et qu’il était possible et même inévitable que des sujets délicats y soient abordés. En tout respect et avec toutes les précautions et les nuances qui s’imposent. Et avec le souci que toutes les paroles puissent continuer de coexister au sein de cette institution à laquelle ils sont tous profondément attachés.
Cette lettre a été signée par 34 professeurs. Ce nombre aurait-il pu être plus élevé si la lettre avait été publiée quelques jours plus tard ? Sans doute. Ceux qui l’avaient initiée voulaient cependant agir rapidement. Il n’était pas question que des universitaires québécois se prononcent sur cet événement avant les professeurs de l’Université d’Ottawa (des rumeurs circulaient qu’une lettre se préparait dans le milieu postsecondaire québécois ; cette lettre, signée par près de 600 professeurs, paraîtra quelques jours plus tard). Dès que le nombre de 30 signataires fut atteint, ils ont décidé de la publier. Cet empressement explique fort probablement pourquoi la majorité des signataires sont francophones. Celles et ceux qui ont pris l’initiative de rédiger la lettre ont mobilisé leurs réseaux qui, comme eux, sont essentiellement francophones. Le bilinguisme à l’Université d’Ottawa se vit en silo la plupart du temps – on y reviendra. On peut aussi faire l’hypothèse que le nombre de signataires aurait été moins élevé que 34 si la lettre avait été publiée quelques jours plus tard. La violence des attaques ciblant la professeure Verushka Lieutenant-Duval en aurait très certainement fait réfléchir plus d’un.
— Libertés malmenées. Chronique d'une année trouble à l'Université d'Ottawa

PRESSE

Une injure dans la conversation courante prend un sens seulement explicatif dans un exposé sociologique. Dans ce dernier contexte, une enseignante de l’Université d’Ottawa a fait une malheureuse expérience en employant le mot en n pour désigner les gens d’ascendance africaine subsaharienne. Un ouvrage collectif, sous la direction d’Anne Gilbert, de Maxime Prévost et de Geneviève Tellier, Libertés malmenées (Leméac, 23 février), expose le cas à la lumière des libertés intellectuelles.

— Michel Lapierre, Le Devoir


« Je faisais partie de ceux qui pensaient que [les menaces à la liberté de l’enseignement] étaient de faux débats. Que ceux qui en parlaient étaient alarmistes. Puis, tout a basculé, du jour au lendemain », se souvient Maxime Prévost.

— Léa Carrier, La Presse


Selon Mme Tellier, la crise dont il est question dans l’essai ne peut d’ailleurs pas encore être abordée au passé, alors que des barèmes clairs sur les modalités à mettre sur pied si une situation semblable se reproduit ne sont pas encore établis.

— Ani-Rose Deschatelets, Le Droit


Si elle s’est estompée, la controverse vient tout de même plomber le désir de plusieurs professeurs de se présenter devant une classe, a admis Geneviève Tellier.
« Je me pose la question à chaque début de session. J’aime enseigner, j’aime la connaissance, la recherche, la vulgarisation, tout ça, j’adore ça, mais ça devient lourd », a-t-elle précisé.

— Carl Marchand, Le Journal de Montréal


Le livre veut faire œuvre utile. Il a été écrit d’abord dans l’espoir de faire comprendre ce qui menace la mission même de nos universités : faire avancer la connaissance et, plus largement, ce qui menace notre capacité de régler nos différends.

— Maxime Pedneaud-Jobin, La Presse

S’il explore la question de la liberté académique à la suite des événements connus de la chargée de cours, la question linguistique dans le débat est inévitable, signalent les professeurs.
« Au départ, ce n’était pas une question linguistique, mais c’en est rapidement devenu une », lance en entrevue la professeure Geneviève Tellier. « Il n’y a pas juste une façon de voir les choses, mais on se rend compte que dans ce cas-là, il y a clairement une perspective anglo-saxonne et une perspective francophone et ce qui s’est passé dans cette crise-là est que la perspective anglo-saxonne a prévalu. »

— ONFR


Essai / Prix indicatif : 32,95 $

408 pages environ / 14 x 21,6 cm / 978-2-7609-1241-0

En librairie le 23 février 2022

Également disponible au format numérique - ePub