Jack Waterman accepte d’être l’écrivain fantôme d’un joueur de hockey qui veut raconter sa vie, puis il refile le travail à Francis, son petit frère. Le hockeyeur est un Métis dont les ancêtres ont été décimés par la milice anglaise en Saskatchewan ; il a des idées bien arrêtées sur la place que la langue française devrait occuper dans le Grand Club.

Craintif au début, Francis s’affirme à mesure qu’il écrit, mais il doit se méfier des silhouettes louches qui rôdent aux alentours. Heureusement que la Grande Sauterelle arrive de San Francisco avec un LadySmith et des jambes assez longues pour séduire n’importe qui.

EXTRAIT

— Contrairement à mes ancêtres, mes parents étaient cultivateurs. On possédait une terre étroite, mais très longue qui allait jusqu’au bord de la rivière. J’avais trois frères et quatre sœurs. On cultivait du maïs.
— Dans les plaines de l’Ouest, le terrain est toujours plat ?
— Pas toujours. Chez nous, à Batoche, il y avait des collines, des boisés, des saules et des arbustes. Il paraît que les accidents de terrain nous ont aidés à nous défendre contre l’armée du général Middleton en 1885.
— Qui vous a dit ça ?
— Mon père.
— Il vous parlait souvent de la révolte des Métis ?
— Non. Il répondait à mes questions, mais de lui-même il n’en parlait jamais.
— Pourquoi ?
— Les vieux Métis n’étaient pas fiers de la rébellion. Je vous l’ai déjà dit: ils avaient honte.
— Honte d’avoir perdu ?
— Pas vraiment. C’étaient des gens qui aimaient l’ordre et qui respectaient l’autorité. Ils avaient un caractère indépendant, mais ils étaient pacifiques. Pourtant…
— Oui ?
— Pourtant mon père avait les larmes aux yeux et sa voix tremblait quand il parlait du vieux Ouellette. Joseph Ouellette. Il avait quatre-vingt-treize ans. C’était le plus vaillant de tous. Il s’est battu jusqu’au bout. Les Anglais l’ont tué.
Soudain, la voix du hockeyeur se durcit.
Il dénonça la rudesse de la répression anglaise lors du soulèvement des Métis en Saskatchewan. De plus, il prétendit que son accession à la Grande Ligue avait été retardée du fait qu’il était un Canadien français. Je pris bonne note de cette dernière affirmation, qui me paraissait exagérée.
— L'homme de la Saskatchewan, Jacques Poulin

JACQUES POULIN

Romancier du Nouveau Monde et de la ville de Québec, Jacques Poulin a reçu de nombreux prix littéraires pour ses romans, devenus des classiques de la littérature québécoise : Les grandes marées (1978), Volkswagen Blues (1984), Le vieux Chagrin (1989), Les yeux bleus de Mistassini (2002).

Photo : Denise Cliche.

Roman / Collection : « Nomades » / Prix indicatif : 10,95 $

144 pages environ / 10,8 x17,7 cm / 978-2-7609-3702-4

En librairie le 6 avril 2022

Également disponible au format numérique - ePub