L’ortolan est un « bruant gris-vert et jaune, au dos strié de noir, à chair très estimée » (Larousse). On le chasse en toute illégitimité, puis on le cuisine et le déguste selon un rituel immuable, la tête bien cachée sous un tissu.

Tout comme ces mangeurs d’ortolans, les personnages du roman de Simone Chaput se voilent la face, se mentent – à eux-mêmes et aux autres. En surface, pourtant, tout semble parfait. Un père garde forestier, une mère dramaturge, deux enfants, garçon et fille, qui ont grandi dans la splendeur de la forêt boréale. Famille idéale. Tissée serrée. Mais le maillage s’effiloche. Le fils s’enfuit en Amérique du Sud. La fille dissimule tout un pan de sa vie. Et le jardin secret des parents est envahi de ronces.

 PRÉSENTATION

Kaléidoscope où tournoient des morceaux chatoyants de destins, Les mangeurs d’ortolans est un précieux fragment de vie.


EXTRAIT

Je ne me rappelle plus le titre de la pièce dans laquelle elle jouait. Normal. Déjà, à cette époque, j’avais la tête bourrée de taxons et de clades, la nature, depuis ma tendre jeunesse, l’ayant emporté haut la main sur l’art. C’est ma blonde qui avait insisté pour que je l’accompagne au théâtre voir la dernière présentation de l’année de la troupe universitaire. J’avais tant essayé de me défiler, plaidant en vain la belle soirée d’un printemps précoce versus le trou sombre et irrespirable du parterre, qu’on était arrivés à la dernière minute, obligés, donc, de s’accommoder de deux chaises placées carrément face à la scène. On est restés longtemps mal assis dans la salle obscure, entourés d’étudiants tout de noir vêtus qui parlaient fort et qui puaient le kif, jusqu’à ce qu’une lumière éblouissante éclaire la comédienne qui occupait le centre du plateau. Ensevelie jusqu’à la taille dans un tas de sable, elle était assoupie, sa tête blonde posée devant elle sur ses bras croisés. Au son perçant d’une cloche, elle s’est réveillée, a fini par lever la tête, m’a regardé, forcément, droit dans les yeux. Puis, plaçant ses mains à plat sur le sable, elle s’est redressée, a rejeté sa tête sur ses épaules nues, a fixé le zénith.
Je crois que c’est son cou blanc qui m’a fait chavirer. À la fois si vulnérable et si provocateur, dans sa langueur, dans son abandon.
— Les mangeurs d'ortolans, Simone Chaput

SIMONE CHAPUT

Simone Chaput est née à Saint-Boniface, où elle vit toujours. Elle est l’auteure de plusieurs romans, dont Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ? (2020), Une terrasse en mai (2017) et Un vent prodigue (2013). Ce dernier titre lui a valu de remporter le prix Champlain (catégorie « fiction ») ainsi que le Prix des lecteurs Radio-Canada. En 2022, son œuvre a fait l’objet d’un colloque international (Simone Chaput : espaces, cultures et identités) qui a eu lieu au Manitoba.

Photo : Cindy Phelan.

Roman / Prix indicatif : 25,95 $

224 pages environ / 14 x 21,6 cm / 978-2-7609-4911-9

En librairie le 6 septembre 2023

Également disponible au format numérique - ePub