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Le journalisme, comme le mammifère marin emblématique du fleuve Saint-Laurent, est une profession en danger, affirme Mathieu-Robert Sauvé. Mais que risque-t-on exactement si elle disparaît ? C’est la question à laquelle l’auteur tente de trouver une réponse dans ce portrait actuel, nécessaire et éclairant.

Alors que les médias traditionnels sont durement touchés par la concurrence avec les nouveaux médias et par la baisse subséquente des revenus publicitaires, réduits à peau de chagrin, les journalistes se voient forcés de mettre les bouchées doubles pour compenser la réduction de leurs effectifs et la production de contenu multiplateforme. Pendant ce temps, relationnistes et chroniqueurs d’opinion, qui ne sont pas tenus à la même rigueur journalistique ni à la même démarche de mise en contexte objective, pullulent et occupent une place de plus en plus importante dans la sphère médiatique. À cela s’ajoutent la diminution du facts checking et les fameuses fake news, créations virales dont l’influence insidieuse ébranle la démocratie et se calcule en perte de vies humaines, comme on a pu le constater durant le contexte de la crise reliée à la maladie à coronavirus (COVID-19).

Cette défense et illustration du journalisme n’est pas sans critiques vives et constructives. C’est surtout une explication brutale de ce que serait le monde si les reporters rentraient tous chez eux en ne nous laissant que les rumeurs et les mensonges qui noient les vérités.

 

QUESTIONS & RÉPONSES

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Pourquoi cet essai?

Comme beaucoup d'amoureux de la nature, je m'attriste de voir disparaître des espèces vivantes à cause des déséquilibres causés par l'activité humaine. Dans l'écosystème démocratique, c'est le reporter qui est menacé d'extinction. C'est très grave. La pandémie a exacerbé cette menace. Des médias ont fermé; d'autres ont rationnalisé leurs ressources (et mis à pied des reporters). Les journalistes qui restent sont, quant à eux, mal utilisés. Les meilleurs deviennent chroniqueurs et atteignent leur niveau d'incompétence. On envoie en grand nombre des journalistes couvrir des sujets que tous les médias couvrent sans originalité; en sport comme en économie ou en politique. La recherche de terrain, l'interview traditionnelle, sont de moins en moins à la mode.Peut-on vivre sans journalistes? Bien sûr que oui. Mais un monde sans journalistes prive ses citoyens d'outils permettant de comprendre leur environnement et exercer leur liberté. J'ai écrit ce livre pour faire comprendre qu'on assiste à un drame sournois et silencieux qui fissure la démocratie.

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Ou se situe ce livre dans votre parcours?

J'ai eu envie de partager les résultats de ma recherche menée à l'Université de Sherbrooke en 2018-2019 sur la perception des fake newspar les journalistes: le phénomène existe-t-il au Québec? Quelle est son ampleur? Peut-on faire quelque chose pour éviter la contamination de la désinformation? Faut-il instaurer des lois ou laisser aller les lois du marché pour stopper les menteurs professionnels qui sévissent sur les réseaux sociaux? Plutôt que de m'en tenir à mon mémoire, j'ai élargi la question à l'ensemble de la profession. Où en est le journalisme aujourd'hui? Mon constat est assez sombre mais il y a aussi quelques espoirs. Les Québécois sont encore -- beaucoup plus que les Américains, notamment -- attachés à leurs médias traditionnels, publics et privés. Ces journaux et réseaux d'information ne font pas de fake news. Il s'y fait de l'excellent journalisme.

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Comment vous est venu le titre?

En réfléchissant sur le destin croisé, improbable, des bélugas du Saint-Laurent et des journalistes de notre époque; particulièrement les journalistes scientifiques. Si rien n'est fait pour sauver leur écosystème, ils vont disparaître. C'est inexorable. Ils ne sont pas encore morts mais les effectifs diminuent d'année en année. Ce problème a un effet multiplicateur: s'il n'y a plus de journalistes scientifiques, qui va parler de la disparition des bélugas? Quelques spécialistes de la biologie marine, dans des revues savantes que personne ne lit. Leurs inquiétudes s'exprimeront loin de l'attention du grand public.

 EXTRAIT

Comme les bélugas du Saint-Laurent, les journalistes sont en voie d’extinction. Si rien n’est fait pour sauver leur habitat, ils vont disparaître comme ont disparu d’autres professionnels: allumeurs de réverbères, télégraphistes, typographes, liftiers...
Il y a bien quelques organisations qui tentent de sonner l’alarme : Reporters sans frontières, le Comité pour la protection des journalistes, la Fédération internationale des journalistes jouent un peu le rôle des groupes écologistes sensibles au sort des cétacés. Leur message ne passe pas. Les journalistes n’ont jamais été si nécessaires qu’aujourd’hui. Pourtant, on les tue, on les enferme, on les muselle, on les intimide ou, tout simplement, on les congédie...
 

PRESSE


À lire si le journalisme vous intéresse comme carrière. Vous y penserez par deux fois. Pour les autres c’est un tableau très inquiétant pour la liberté d’expression.

— Culturehebdo.com


Dans Le journaliste béluga, le doctorant Mathieu-Robert Sauvé s’interroge sur l’avenir de sa profession. […] Avec des chapitres sur le journaliste scientifique (une sous-espèce particulièrement menacée), les faits divers ou le journaliste sportif (la seule catégorie qui a encore le vent dans les voiles, quoique pas forcément pour les bonnes raisons), l’auteur se penche sur différentes facettes de ce métier indispensable au fonctionnement de la démocratie. 

— Marie-Claude Bourdon, Actualités UQAM


D’une lecture fluide et aisée.

— Catherine Lalonde, Le Devoir


[Un de] deux très pertinents essais sur les médias et le journalisme à l’ère actuelle.

— Claudia Larochelle, Avenues.ca


On doit d’ailleurs saluer le travail de recherche approfondi de l’auteur. Pour le portrait très fouillé de la crise des médias et le ton plutôt léger, quiconque souhaitant s’initier au monde des communications y trouvera certainement son compte. L’ouvrage présente un nombre impressionnant de faits, de citations, d’exemples, de statistiques pour étayer sa réflexion. En cela, on peut dire que la démarche est rigoureusement journalistique. 

— Sarah-Louise Pelletier-Morin, Spirale magazine culturel


Une excellence entrée en matière pour les néophytes qui s’intéressent à notre écosystème médiatique. Des entraves à leur travail aux obstacles qui minent la survie même de la profession, l’auteur couvre presque absolument tous les angles de la profession, sans oublier les conséquences importantes de la crise du coronavirus sur les effectifs journalistiques québécois. 

—  Marie-Ève Martel, La Voix de l'Est


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MATHIEU-ROBERT SAUVÉ

Né en 1961, Mathieu-Robert Sauvé est journaliste et candidat au doctorat en communication de l’UQAM. Il a fait ses premières armes à l’hebdomadaire Voir il y a une trentaine d’années et a été président de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec de 2008 à 2012. Il a signé une quinzaine de livres ainsi que des centaines d’articles parus dans diverses publications, parmi lesquelles L’actualité, Le Devoir et Québec Science.

Photo : D. R.

Essai / Prix indicatif : 24,95 $

204 pages environ / 14 x 21,6 cm / ISBN : 978-2-7609-1238-0

En librairie le 26 août 2020

Également disponible au format numérique - ePub