Echo des chaudrons_Couvert.jpg

Mathieu, l’écrivain public, rides again, cette fois à la cuisine collective où, parmi des groupes de tous les horizons, veille l’ombre spectaculaire de l’ancien acteur André Montmorency.

À travers le quotidien d’une série de personnages truculents gravitant autour de la cuisine communautaire, c’est le vrai monde que l’auteur illustre ici, avec son sens aigu du dialogue et une drôlerie qui n’exclut jamais la tendresse. Un regard à la fois acerbe et très affectueux sur notre société. Un hymne d’amour à Montréal.

 

CAPSULE ÉCLAIR DU SALON DU LIVRE DE MONTRÉAL 2020

 

PRÉSENTATION DE L’ÉCHO DES CHAUDRONS PAR MICHEL DUCHESNE

 
 
 

ALBUM PHOTO

 

QUESTIONS & RÉPONSES

Q%26R2.jpg

Pourquoi ce roman?

Trois raisons, 1, 2, 3, Soleil !

1) J’aime Montréal bien qu’on la conspue indécemment sur bien des tribunes.

2) Je m’implique depuis quatre ans auprès de la Cuisine Collective d’Hochelaga Maisonneuve : elle, comme toutes les entreprises du Chantier d’Économie Sociale sont méconnues. À quoi peut bien servir un auteur sinon que décrire ce qui tente de se faire entendre ?

3) À sa mort aux soins palliatifs, j’ai promis à André Montmorency de donner vie à son univers Tursar et de compléter Maudit inculte! que j’avais commencé pour lui en 2001.

Voilà... J’essaie d’être un homme de parole « pour qu’il ne reste plus de moi-même qu’un peu de votre écho sonore. » (Gilles Vigneault)

Q%26R2.jpg

L’écho des chaudrons est-il la suite de L’écrivain public?

C’est le même homme en quête de paix qui voit de la drôlerie dans les moments difficiles. J’ai complété une psychanalyse pour en finir avec la plainte de la victime. Mais où trouver la joie de vivre quand tout meurt autour de nous ? J’ai écrit ce livre pour célébrer ceux et celles qui sortent la tête hors de l’eau, Pauline, Dimitri, André, Chadia et ce Mathieu qui est moi et vous autres tout à la fois.

« Si j’ai fait ce livre (dans faire il y a écrire et dessiner) c’est parce que j’en avais marre qu’on associe uniquement l’exil à une douleur. » (Dany Laferrière)

Q%26R2.jpg

Le roman est-il autobiographique?

Autobiographique ? Oui, depuis près de dix ans, une fois par mois, mon conjoint et nos ami-e-s cuisinons en gang. Nous allons même ramasser les trois petits fruits de saison (« ah les fraises et les framboises! Du bon vin j’en ai bu »). Oui, l’écrivain public que j’étais vient de la banlieue et reçoit parfois la douce visite de sa mère, comme la Solange du roman. Mais comme je l’enseigne à mes étudiants à l’UQAM, il faut s’extraire du réel...

« Dans le calme après la tempête, j’empoignai mon ordi. J’avais un article à publier pour donner le goût de la cuisine en famille. Je fis ce que tout auteur sait faire :
1. Prendre un tiers de faits vécus
2. Y ajouter un tiers arrangé avec le gars des vues
3. Alléger par un tiers d’humour et de tendresse, pour ne pas céder au cynisme. Sinon, à quoi bon continuer ? » (Michel Duchesne, L’écho des chaudrons)

Q%26R2.jpg

Comment vous est venu le titre?

Puisque les inégalités sociales perdurent, bien des révolutions pacifiques du Printemps Arabe reprennent vie. Fier d’eux, je me demandais ce qu’il restait de notre Printemps Érable. Je revoyais les mamies indignées se joindre au flot des étudiants, Les Voisins, Les Fées ont soif qui sortaient sur leurs balcons avec leurs chaudrons. Je me demandais « où était passé tout ce monde » ? Et l’écho me répondit...

 

EXTRAIT :

AMUSE-GUEULE (12 FÉVRIER 2019)

 
EDC_1.png
 

Il était parfois difficile de garder le sourire à Montréal, tant parler franchement pouvait vous attirer les foudres des bien-pensants. « Heureusement qu’on peut encore épicer nos recettes ! » vous dirait André Montmorency.

Personne ne connaissait ce vieil acteur au Collège French de Montréal, pas plus moi que ces jeunes de cent un pays réunis en autant de classes. Depuis que je n’étais plus écrivain public, la disette de professeurs avait fait en sorte qu’on avait besoin de suppléants à la grandeur de l’île. Avec pour seule compétence mon diplôme d’animateur en loisirs, je supervisai des laboratoires de chimie, surveillai des examens de français et même donnai des cours d’anglais teintés de mon accent de Saint-Hyacinthe. Autant à Montréal- Nord qu’à LaSalle, ça me faisait drôle d’y croiser des copies carbone de mes amis de jadis, des cools comme des nerds, des effacés comme des ricaneuses. Seules les fringues différaient. Dans les corridors, flottait la même odeur de transpiration mêlée à des parfums trop forts, décuplée lorsque les kids dévalaient les escaliers au sortir des cours, libérés de la contrainte d’apprendre.

La directrice d’école en m’accueillant à mon premier remplacement m’avait bien indiqué que «nous vivions des années difficiles»: un nombre accru d’automutilations chez les filles, une renaissance des guerres de gangs, l’incessante gestion des téléphones en classe pour autant de silence mortifère chez les familles.

— Mais sont adorables!
Ça dépendait avec qui.
Un matin de printemps, le Collège French accueillit

des bénévoles d’un organisme LGBTQQIP2SAA+ (j’espère n’oublier personne) pour une heure «de démystification des diversités sexuelles». Apeurée de la chose, l’une de mes élèves, voilée, demanda à être dispensée, mais je lui assurai qu’il n’y avait rien de « graphique ». Déjà, à mon époque, cette démarche existait : un gai, une lesbienne vous racontaient leur coming out en classe; les étudiants, d’ordinaire curieux, profitaient de l’heure du cours pour en savoir davantage. Bon, aujourd’hui, on accueillait plutôt «deux entités humaines non binaires», ce qui ferait sacrer joyeusement André Montmorency lorsque je lui raconterais l’épisode : « J’étais fif, ma blonde, butch et notre enfant, avorté. Y est où le problème?»

Je crus que c’était moi.

Avais-je négligé de faire un «avertissement préventif» avant l’arrivée de nos «personnes non conformes » ? Souhaiter la bienvenue ne suffisait plus ?

Lorsque notre invitée queer raconta que sa mère avait fait venir un curé pour l’exorciser à son retour de l’école, un élève se permit de dire que c’était bien fait pour elle.

— Yoan, on écoute dans le respect !
— Mais c’est dégueulasse.
L’intervenant d’apparence masculine mais

genderfluid précisa que son propre père avait lui aussi mal accueilli son «opposition aux diktats hétéronormatifs ».

— Fag. Le mien t’aurait tué.

À cette remarque du coq de la classe, ses potes ricanèrent, d’autres ne se gênèrent pas pour grimacer de dégoût. Outrée, la Queer précisa que Fag vient de fagots, ceux-là mêmes utilisés pour brûler au bûcher les gais, sorcières et rebelles. Elle avait du chien, même si on ne peut plus appeler un chat un chat. Un début de silence se fit. Je crus la partie gagnée.

Tamira voulut savoir s’ils avaient perdu des amis à l’école, avec un regard en biais à Marco, que nous savions gai, mais qui ne voulait surtout, surtout pas en parler. Le genderfluid raconta qu’il avait dû changer d’école parce que tout le monde le niaisait. Il eut le malheur de sourire à Marco, qui voulut se cacher, mais redoublèrent les insultes en plusieurs langues et des simulacres de masturbation sous le pupitre.

— Vos gueules ! osai-je, sachant bien qu’un vrai prof aurait contenu sa classe autrement.

La Queer raconta son premier bec avec sa best « non cisgenre, un baiser avec la langue dans un Ziploc pour que ça soit chaud sans que ça se touche.

Plutôt que d’en rire, la classe trouva ça encore plus weirdo.

Mon élève timorée courbait la tête, comptant les minutes qui la séparaient de la fin du cours, son amie Roskam avait le nez collé à la fenêtre, tentant de ne rien entendre, Shah griffonnait dans son cahier. Il n’y avait pourtant rien de compromettant.

Au contraire!

Il était question de mal-être et de quête de paix d’esprit. Chacun de mes vingt-neuf élèves cachait son trouble sous des dehors de décibels, d’apps et d’agitation perpétuelle. Pour l’un, c’était une orientation professionnelle qui déplairait à ses parents, pour l’autre, un amoureux qui n’était pas celui rêvé par la famille : avec une éducation religieuse, on apprend à obéir, pas à questionner. S’approprier sa vie hors de sa culture est un terrain miné, ne sort pas du rang qui le veut bien.

Alors, quand nos invités répondirent à une innocente question sur le défilé de la Fierté, Josh les interrompit de nouveau :

— Vous avez pas honte de faire de la propagande ?

— Pis venir nous salir en classe ? L’enfer vous attend !

Je me pinçais quasiment – ils avaient pourtant entre treize et quinze ans, on les disait si ouverts !

— Ça existe pas dans notre famille, rajouta un grand slaque que je croyais timide.

— C’est une maladie de Blancs.

Comme notre Queer était aussi haïtienne, elle saisit la balle au vol et raconta que sa blonde actuelle, Priyanka, était tamoule d’origine, mais affranchie par choix.

— Shame on you!

— Si je me retenais pas, menaça le colosse du groupe, je vous lancerais ma chaise par la tête.

Woo ! Je précisai simplement que si la parole était freinée dans leur famille, en classe, elle avait libre cours : on parlerait sexe, qu’ils aiment ou pas.

— Y a une vie en dehors des religions! Voyons! Si vos parents avaient pas baisé, vous seriez pas là !

Tss, tsss... Le genderfluid me regarda un peu croche, plein de reproches. J’allais en terrain glissant, un élève finirait bien par rajouter que le mariage était pour un homme et une femme.

Ce qui fut fait. Puis :
— Le diable parle par votre bouche.
J’en revenais tout simplement pas :
— Le diable ? L’enfer ? En 2020 ? Êtes-vous tombés

sur la tête? Même le pape a avoué que c’étaient des inventions! En 1930, dans «L’avenir d’une illusion», Freud nous conseillait de lâcher la religion.

Je dis en mots plus simples ceci :

— La religion serait la névrose de contrainte de l’humanité; comme celle de l’enfant, elle serait issue du complexe d’Œdipe, de la relation au père. [...] L’être humain ne peut pas rester éternellement enfant, il faut qu’il finisse par sortir à la rencontre de la «vie hostile». Il est permis d’appeler cela «l’éducation à la réalité».

Fallait pas inviter Freud au Collège French: la chaise promise traversa la classe et alla se fracasser contre le tableau électronique, que nous avions payé si cher et qui servait si peu. Dans le silence qui suivit, mon élève timorée en profita pour se défiler. Ses parents portèrent plainte pour avoir cité un «auteur non au programme». L’organisme LGBTQQIP2SAA+ me blâma, en tant que « membre de la culture dominante ayant troublé le cours normal de l’intervention par une microagression ébranlant l’espace protégé du dialogue transidentitaire».

Je ne fis plus de suppléance dans les écoles secondaires du Grand Montréal.

DEUX CENTS BOÎTES À LUNCH (20 MARS 2019)

La révolution se fera par les chaudrons.

Nous en avons tant frappé lors du Printemps érable ! Lassés de la corruption et des abus pharaoniques du gouvernement, étudiant(e)s et citoyen(ne)s chantaient leur colère, exigeant la démission d’un gouvernement libéral... qui fut aussitôt réélu une fois le tintamarre des chaudrons terminé. Et le cynisme s’alimenta de cette impuissance à changer les choses.

Je ne croyais pas au départ faire une différence à coups de recettes. Mais si on est ce que l’on mange, alors la bonne bouffe fera de nous de meilleurs humains.

Tout ça commença par un vol.

Ayant plus de temps libre qu’un père ordinaire, j’étais souvent celui qui accompagnait les groupes lors de sorties scolaires. Outre de faire honte à ma fille Mégane parce que je posais des questions (« Ben quoi, c’est une sortie éducative ! »), il m’arriva, en trentenaire désœuvré, de flirter avec l’enseignante, mais, surtout, j’écrivais toujours à la direction un rapport détaillé sur la valeur artistique de la pièce de théâtre ou le bien-fondé de l’activité sportive hors les murs. Mégane aurait voulu me renier, est-ce qu’on pouvait apostasier son père?

— Hey ma gothique ingrate, je veille à ton éducation.

— Fais donc comme les autres parents : câlisse-toi- z’en. La mère de Lakmé a même écrit pour se plaindre qu’on avait trop de devoirs.

 

PRESSE


La force de ce roman, comme par ailleurs celle des trois autres de l’auteur, c’est justement ce passage constant entre la sensibilité, la joie, la tristesse, l’humour décapant et bien sûr l’indignation. […] Michel Duchesne a une plume fine, acérée, tendre et sarcastique. Il a une manière toute à lui de passer d’un état à un autre en un tour d’éventail. […] Si vous vous perdez parfois sans vous révolter sur le sort du monde, si vous êtes découragés par le manque d'empathie et d'humanisme, si vous doutez de l'humanité, il faut lire les livres de Michel Duchesne, pour vous rappeler qu’il existe plus démunis et plus humains parmi les chantres de la démocratie participative, qui ne mettent jamais la main à la pâte.

— Évelyne Abitbol, Reconnecter les générations entre elles


 Un roman heureux pour traverser notre époque sombre et les déserts alimentaires !

— L’initiative - Journal économique, social et culturel


Ce qui est jubilatoire c’est que tout ce beau monde est tout sauf dans la rectitude sociale. Ils ont le commentaire cru. Que ça fait du bien. La cuisine populaire est un prétexte pour faire vivre tout ce monde ensemble qui sont délinquants dans l’âme. Ils ont compris qu’il ne fallait pas subir la vie mais en prendre le contrôle. Vite un deuxième tome, car le reproche que l’on pourrait vous faire qui est un ultime compliment, c’est que c’est trop court.

— Culturehebdo.com


On s’amuse ferme dans son nouveau roman L’écho des chaudrons, même si on ne perd jamais de vue les écueils traversés par ses personnages. […] Un roman rempli de saveurs […] plein de boucane et d’épices, “de la joie en conserve, du courage en sauce”, et au final un parfum qui persiste.

— Josée Boileau, Le Journal de Montréal


Il a une belle plume, c’est amusant, […] simple à lire, drôle.

— Valérie Ambeault, Par ici l’info / Radio-Canada


image001.jpg

MICHEL DUCHESNE

Michel Duchesne est assez vintage pour avoir fait de la réalisation à Musique Plus et écrit pour le théâtre. Les trois saisons de sa série L’écrivain public, basée sur son travail communautaire dans HoMa, ont été primées aux Gémeaux et à l’international, de New York à Séoul. Leméac a publié le roman du même nom en 2016 ainsi que La Costa des seuls en 2018.

Photo : Serge Blais.

Roman / Prix indicatif : 25,95 $

224 pages environ / 14 x 21,6 cm / ISBN : 978-2-7609-4846-4

En librairie le 14 octobre 2020

Également disponible au format numérique - ePub