Hosanna est un personnage fétiche de Michel Tremblay qui, après son heure de gloire dans la pièce éponyme, est resté dans l’ombre d’une humiliation affligeante. Ridiculisé à l’école, chétif, surnommé « Banana Split », il a gagné sa vie comme coiffeur pour dames sur la Plaza St-Hubert, où il exerce toujours ce métier, cinquante ans plus tard, en temps de pandémie. Depuis que la Duchesse a été tuée, il y a quarante-cinq ans, Hosanna se terre dans son appartement de misère, entre ses guenilles de folle et ses ponces de gin quotidiennes.

 PRÉSENTATION

Ce roman à bâtons rompus remet donc en scène ce vieil ex-travesti de soixante-dix-neuf ans alors qu’il reçoit la visite d’un jeune journaliste du magazine Fugues. Yannick, qui en est à sa première interview à vie, s’intéresse en fait à la faune des années 70 et rencontre Hosanna pour mieux connaître « l’époque ». Mais l’interview d’une heure qu’il croyait réaliser avec Claude Lemieux se transforme en un échange qui s’étalera sur une longue semaine, au cours de laquelle son intérêt pour Hosanna se développera bien davantage que celui pour ladite époque qu’il représente. Haut en couleur, fort en gueule, alcoolique chronique, Hosanna lui montrera les coulisses du milieu et de ses guerres intestines, les violences de l’homophobie d’alors, et lui révélera des secrets de la Main connus de lui seul : la vie de misère des « folles », des « travelos », des « beus » – en particulier de son « beu » à lui, Cuirette, en fin de vie. Mais par un habile subterfuge, certaines histoires contées par Hosanna au journaliste, et aussi certaines confidences faites par le journaliste à Hosanna, seront mises en prose et en marge des dialogues échevelés qu’ils auront.

À l’approche du cinquantième anniversaire de la pièce, en 2023, le romancier fait entendre Hosanna dans toute sa splendeur d’écorché vif – Ose, Anna, ose ! –, la « Shéhérazade des pauvres », accablée de solitude et d’autodérision pathétique.


EXTRAIT

« Moi… comment dire ça… J’étais debout comme tout le monde, je hurlais comme tout le monde, mais… j’ai peur de pas trouver les bons mots… Je sais pas si tu peux comprendre, mais… c’était trop ! C’était trop pour moi ! C’était une des plus belles choses que j’avais jamais vues, ça accotait presque l’entrée d’Elizabeth Taylor dans Rome, j’étais là en personne, j’y assistais, comprends-tu, moi, la pauvresse, je me tenais debout devant tant de beauté, mais… J’étais-tu digne de toute ça, j’avais-tu le droit d’assister à toute ça ? J’pouvais-tu faire partie de ceux pour qui toute ça avait été préparé ? C’était impossible que la grande Guilda ait toute fait ça pour moi ! Ça fait que j’ai compris tout d’un coup que la soirée était finie pour moi, que ça s’arrêtait là, que rien de ce qui viendrait après pourrait dépasser ce qui venait de se produire ou me bouleverser autant… J’ai eu un vertige pis j’me suis sauvée comme une voleuse ! J’ai bousculé mes voisins, j’ai pilé sur un pied de la Duchesse, qui a pas eu l’air de s’en rendre compte, chus sortie de la rangée de fauteuils en m’arrachant presque les guénilles de sur le dos, pis j’ai quitté la salle en courant. On aurait dit que c’était ma sortie que le public applaudissait ! J’ai traversé le piano nobile en courant, chus sortie du théâtre en courant pis j’ai couru me réfugier sur la rue Saint-Laurent, sur la « Main », ma vraie place. Le Hawaian Lounge sur la rue Stanley pis la « Main », c’était ça, ma place.
Plus tard, on m’a conté un nombre incalculable de fois l’incroyable spectacle que Guilda avait donné ce soir-là, les lumières, les costumes, les danseurs extraordinaires qu’elle avait faite venir des États-Unis, les numéros drôles, les numéros touchants, le tableau final avec Guilda déguisée en mariée – peux-tu imaginer un homme déguisé en mariée sur la scène de la Place des Arts pis qu’on applaudit debout en hurlant ? – mais jamais, entends-tu, jamais j’ai regretté d’avoir quitté le spectacle après le numéro d’ouverture. Parce que cette image-là, la fierté qu’a’ m’a toujours procurée, était la seule chose dont j’avais besoin pour devenir la vraie Hosanna. Celle qui rêve au plus haut des cieux. »
— La Shéhérazade des pauvres, Michel Tremblay

PRESSE

On s’attarde beaucoup plus aujourd’hui sur les rôles sexuels, alors qu’à l’époque, ce qui m’intéressait, c’était le déguisement, le strip-tease psychologique et physique en même temps.

— Entrevue avec Chantal Guy, La Presse

Souvent, des gens m’ont demandé ce qui était advenu d’Hosanna. Je ne savais jamais trop quoi répondre, parce que dans la pièce de théâtre, il y avait une vraie conclusion. […] J’avais l’impression que c’était fini. Ces dernières années, j’ai beaucoup parlé de la résilience. J’ai commencé, en parallèle, à réfléchir à l’abdication. Qu’est-ce qui peut transformer quelqu’un de combatif et de drôle en une personne qui a [abandonné]. Qu’est-ce qui l’a cassé ?

— Entrevue avec Paul Arcand, Puisqu’il faut se lever

Un « roman à bâtons rompus » où l’humour, l’amertume et l’émotion forment un cocktail acidulé qu’on savoure à petites gorgées pour prolonger le plaisir de retrouver une vieille connaissance.

— Manon Dumais, Le Devoir

Un grand Tremblay, sans aucun doute, et à cette étape de sa carrière, on peut sincèrement se demander s’il nous a déjà proposé autre chose.

— Benoit Migneault, Fugues

Michel Tremblay sort le personnage fétiche de Hosanna de l’ombre et lui rend hommage magnifiquement dans La Shéhérazade des pauvres.

— Marie-France Bornais, Le Journal de Montréal

Dans cette longue entrevue, Michel Tremblay raconte ses souvenirs de l’écriture de la pièce Hosanna et son inspiration, notamment les spectacles de Guilda, aussi connu sous le nom de Jean Guilda. L’écrivain aborde plusieurs autres sujets, comme ses autres personnages, le sida, les tempêtes qui ont inondé sa maison en Floride et une prochaine pièce.

— Entrevue avec Franco Nuovo, Dessine-moi un matin

Un grand Tremblay, sans aucun doute, et à cette étape de sa carrière, on peut sincèrement se demander s’il nous a déjà proposé autre chose.

— Benoit Migneault, Fugues Magazine


MICHEL TREMBLAY

Dramaturge, romancier, librettiste, Michel Tremblay est l’auteur d’une œuvre considérable, qui rassemble plus de trois mille personnages réels et imaginaires. Traduite, primée, étudiée, appréciée, jouée à travers le monde, son écriture a charmé des générations de lecteurs.

Photo : Laurent Theillet.

Coédition Leméac / Actes Sud

Roman / Prix indicatif : 18,95 $

160 pages environ / 11,5 x 21,7 cm / 978-2-7609-1338-7

En librairie le 26 octobre 2022

Également disponible au format numérique - ePub