« Quand ma mère parlait, le reste de son corps ne participait pas. Ses mains restaient pendantes au bout de ses bras, muettes. Comme si parler était décourageant, n’apportait rien, ne pouvait pas guérir, ne pouvait pas faire de bien, ni à elle ni à autrui, comme si ce qu’elle disait ne signifiait rien. Comme si la parole était inutile, vaine, sans importance. Comme si sa parole n’avait pas de poids. Quand ma mère parlait, elle s’étouffait souvent. »

Après un récit écrit à la suite de la mort de son père (Nous étions nés pour ne jamais mourir, Leméac, 2015), Lise Vaillancourt retourne aux sources familiales avec La mère incertaine. Ici, c’est au moment de la mort de sa mère que la narratrice entreprend d’écrire un livre afin de trouver une histoire à cette femme qui ne (se) racontait pas. Qu’avaient-elles partagé ? C’est en déroulant le fil d’un destin qui prendra fin en CHSLD, entre la mémoire et l’oubli, que la fille tentera d’apaiser ce qui ne s’apaise pas : toute une vie.

 PRÉSENTATION

Journal de création, récit, contes : Lise Vaillancourt convoque différents genres littéraires pour cerner un personnage de peu de mots.


EXTRAIT

Longueuil – 26 décembre 2018
Ma mère est morte à l’aube. L’infirmière n’a pu nous dire à quelle heure exactement. Nous sommes trois enfants pétrifiés autour de son lit. La fenêtre est entrouverte. Le drap bouge sur elle. Ma soeur s’assoit dans le fauteuil, se relève. Mon frère décroche un cadre du mur, le remet. Son téléphone sonne. Il répond, écoute. Notre frère aîné ne viendra pas. Une émotion trop forte provoque des tremblements qui l’épuisent. Il me semble qu’il faudrait dire quelque chose. Nous nous taisons. Les heures passent sans que nous nous en rendions compte, nos yeux rivés sur elle. Dans l’après-midi, deux hommes de la morgue viennent chercher son corps.
Mon frère et ma soeur restent pour vider la chambre. Je sors avec son chandail de laine jaune pâle, celui qu’elle portait par-dessus n’importe quel vêtement ces derniers temps, et un petit album de photos que je lui confectionnais depuis son arrivée dans ce centre de soins de longue durée. Des photos où elle était toujours présente : elle avec ses grands-parents, elle avec sa fratrie, son mariage, son voyage de noces, elle avec nous, elle avec ses petits-enfants, elle avec son arrière-petite-fille Mélusine. Un album pour qu’elle me (se) raconte.
— La mère incertaine, Lise Vaillancourt

LISE VAILLANCOURT

Lise Vaillancourt écrit pour le théâtre depuis 1982. Ses pièces ont été produites dans les principaux lieux de création de Montréal et de Québec. Leméac a notamment fait paraître ses textes L’été des eiders (roman qui lui a valu à d’être finaliste pour un Prix littéraire du Gouverneur général du Canada en 1996), La corneille (pièce créée au Théâtre du Rideau Vert en 2012) et Un vent fou s’est levé dans ma tête (correspondance avec l’auteure dramatique Carole Fréchette, publiée en 2022).

Photo : Jérôme Guibord.

Récit / Prix indicatif : 20,95 $

136 pages environ / 14 x 21,6 cm / 978-2-7609-4935-5

En librairie le 11 octobre 2023

Également disponible au format numérique - ePub