“Je dois vérifier mes questions et mes hypothèses sur ce réel multiple et séduisant que je persiste à appeler la civilisation française. Je ne doute pas, comme le ferait Descartes, de l’existence de ce réel. Je doute actuellement de l’idée que je m’en fais, mais je ne désespère pas de le comprendre. En tout cas, je crois que le cheminement même de ma recherche et de mon entendement est générateur de films, puisque ces films doivent traduire justement une découverte, même fragmentaire, même maladroite, de la civilisation française. Qu’on me comprenne bien : il faut entreprendre ces films modestement. C’est-à-dire qu’il faut montrer ce qu’on voit, ce qu’on découvre et y chercher un sens, avec le plus de raison possible. Nous ne partons pas d’une thèse et nous ne parviendrons peut-être pas à en formuler une finalement. Notre seule ambition est d’inventorier, d’illustrer, de souligner, de dénombrer et de comprendre un réel donné : la civilisation française. Les films analyseront, d’abord et avant tout. Car, il me semble, la synthèse est difficile dans une série de films. Si elle nous est donnée, ce sera par surcroît et nous la bénirons.

Hubert Aquin, « Première note. Civilisation française », vers le printemps 1961”