Chouchou survivra-t-il au départ de sa mère, à l’amour surchauffé des sœurs Mzèna, au Grand Prix surprise qui l’attend, à la garde de Zigzag l’enfant sauvage, aux fulgurances du possible, de l’idéal, du corps et de l’umami des fluides ? Comment se consoler du pire sans tomber dans le commerce des réputations ? Comment savoir être pauvre avec talent, comment mourir sans vivre d’abord l’absolu du relatif ? Les adolescents attardés de ce monde inouï ne vieilliront-ils donc jamais, eux qui prennent les libertés interdites à bras le corps et en siphonnent la substantifique moelle jusqu’à plus soif ?

 PRÉSENTATION

Amorcé alors que son auteur avait dix-sept ans, ce texte enfiévré brille par ses ivresses lexicales, ses lucidités imparables, ses larmes dévorées. Long rêve éveillé, fable désenchantée et tragique qui badine et écorche, il nous entraîne par-delà les conventions littéraires habituelles. Une nouvelle voix entre en littérature par la porte royale des audaces survoltées et des intuitions ducharmiennes : courons aux abris, cœurs sensibles, avant que le tsunami de ce souffle rafraîchissant n’emporte nos bonnes consciences désœuvrées.


EXTRAIT

Fidèles à leurs habitudes, les sœurs Mzèna en viennent à se quereller. L’une me dévisage comme si j’étais l’ennemi et me lance les insultes. L’autre regarde dans mes yeux comme si je n’y étais pas pour recevoir les imprécations et répliquer. Elles procèdent de cette manière pour éviter que je me sente rejeté, et non pas pour me mêler à la dispute.
— Parfum de remords !
— Méprisante du nez !
— Chaudronnée de mijaurées !
— Thé au goudron !
Plus elles s’échangent d’injures, plus je ris, et tandis que je ris à souffle coupé, elles se regardent enfin et rient à leur tour.
Pamela sort de son sac à main des roulées prêtes-à-fumer. Elle nous en distribue deux à la fois pour que l’on n’en redemande pas aussitôt. Nous fumons comme des hommes d’affaires qui discutent des vraies affaires. D’un geste sûr, pour nous surprendre, Anna irise ses pieds à la hauteur de la table et les flanque dans les fruits séchés. Pamela l’imite et plonge les siens dans le ragoût de pieuvre encore brûlant.
— Il suit.
— Il ne suit pas.
Je donne raison à Pamela, précipite mes pieds dans la crème glacée fondue. Les éclaboussures éteignent la chandelle. Dans l’obscurité totale, il n’y a que nos visages gras qui reflètent l’extrémité des cigarettes.
On aperçoit l’ombre du chat qui saute sur la table. Il fait tomber les verres, miaule un coup et se couche sur la nappe. Il veut que nous subissions ses airs doux. On ne subit rien du tout jusqu’à ce que le soleil déploie dans le ciel ses bouquets d’orangers. Nos bouches pleines de sucreries l’accusent d’une atteinte à la débauche. J’espère de tout mon cœur qu’il n’est pas l’heure d’aller au lit, et comme si j’avais confié mon secret à la mauvaise personne, les Mzèna se lèvent. Le champ de bataille à vif. Plusieurs plats sont encore débordants et appétissants. On les vide dans les poubelles. Pas question de s’en embourber. De la cuisine à la porte, nous titubons. Les joues gonflées, le rire libre, nous avons conclu, à bientôt. Je ferme la porte et j’accours à la fenêtre du salon. Les Mzèna rampent jusqu’à leur bagnole en laissant derrière elle des flaques de gerbe. Elles grimpent de peine et de misère sur leurs sièges, démarrent et filent à vive allure dans la nuit humide.
— Chouchou, Miro Larocque

PRESSE

Chouchou nous laisse une profonde réflexion sur le deuil et l’abandon, mais aussi sur la tragédie humaine. Chaque page est une invitation à s’abandonner dans les flots tumultueux des mots et des émotions exhibés dans des situations tant absurdes que révélatrices.

 Sarah St-Onge, La Recrue

MIRO LAROCQUE

Miro Larocque a cessé de fréquenter l’école à seize ans. Il a ensuite travaillé dans les cuisines de restaurants pendant onze mois pour enfin partir en Europe et au Maroc, seul, pour marcher. Il s’est alors découvert deux passions, le voyage et l’écriture. C’est à son retour, durant le confinement, qu’il a écrit Chouchou, son premier roman.

Photo : Jules Tomi.

Roman / Prix indicatif : 18,95 $

120 pages environ / 14 x 21,6 cm / 978-2-7609-4901-0

En librairie le 24 août 2022

Également disponible au format numérique - ePub