Des années ont passé depuis les Grandes Émeutes, et Zem Sparak n’est plus qu’un vulgaire « chien » de GoldTex, un déclassé de la police fouillant la zone 3 sous les pluies acides et dans la boue. C’est là, dans ce quartier abandonné à sa misère, les Décharges Citoyennes, qu’un corps ouvert le long de la colonne vertébrale rompt l’indifférence dans laquelle Zem s’est depuis longtemps déjà réfugié. Le supplicié n’a a priori rien à faire ici, aux confins de la ville télé-surveillée, et la cruauté du meurtre ne relève pas de la mise en scène : on est allé chercher sous sa peau ce qu’il avait de plus cher.

 PRÉSENTATION

Placé sous la tutelle de Salia Malberg, une ambitieuse inspectrice de la zone 2, et tenu par une promesse silencieuse faite au cadavre, Zem se lance dans une longue investigation. En pleine campagne électorale, alors que la priorité est donnée à l’arrestation de ceux qui pourraient être une menace à l’ordre instauré, ils vont tous deux pourtant bientôt se heurter aux machinations politiques et aux murs de silence qui les entourent.

Quelque part une vérité subsiste, mais partout règnent le cynisme et la violence. Des voix ont bien essayé de s’élever, mais ne restent que des ombres. Bienvenue dans le monde postmoderne de GoldTex, puissant consortium qui rachète et privatise les pays en faillite. Où la seule échappatoire semble être la nostalgie d’une terre natale qui est aussi, pour Zem Sparak, le lieu d’une inexplicable trahison.


EXTRAIT

Cela aurait dû durer des heures encore, le temps que l’équipage termine les dernières vérifications, mais soudain, un bruit fracassant déchira ses oreilles. Il sentit un souffle chaud sur son visage et dut s’accrocher à la rambarde pour ne pas tomber à terre. Une explosion venait de souffler, en une fraction de seconde, toutes ces vies, toutes ces valises, ces familles encombrées. Elle avait même percé la coque du paquebot d’à côté. De là où il était, il vit la foule refluer vers les hangars. C’était la panique. Plus rien n’existait de la calme lenteur qui régnait encore l’instant d’avant. Des corps tombaient, d’autres les piétinaient sans même s’en rendre compte. Des mains lâchaient des enfants. Des familles se retrouvaient séparées. Et puis, quelques minutes plus tard, du côté des hangars, à l’endroit où tout le monde accourait pour s’éloigner le plus possible du lieu frappé par la mort, une seconde bombe explosa, tuant ceux qui croyaient s’être sauvés. C’était imparable et monstrueux. Tout saignait. Tout gémissait. Plus personne ne savait vers où fuir. Lui était tétanisé. Il ne pouvait plus quitter des yeux ce spectacle horrible. Il savait qu’il faudrait des heures pour retrouver les victimes et les corps en miettes. Il était abasourdi, impuissant devant le carnage, avec, sous les yeux, cette foule indistincte qui venait de perdre tout espoir. Il pensa immédiatement au groupuscule Tigimas*. C’était probablement lui qui venait de frapper. Cela faisait des semaines qu’il menaçait de s’en prendre aux civils. Il avait prévenu qu’il ciblerait les gares et les ports pour empêcher les départs. Tout allait devenir laid. La Grèce allait être brûlée, écrasée. Elle allait se dévorer elle-même. Il était là, lui, accablé par ce spectacle d’horreur, inutile, parce que loin, déjà si loin, séparé du drame par les bastingages, par la hauteur du bâtiment et par le fait que le capitaine avait ordonné de précipiter le départ et de larguer les amarres au plus vite. La lenteur avec laquelle le navire quitta le port contrastait avec la fureur qui régnait sur les quais. Il resta sur le pont, ne pouvant quitter des yeux, face à lui, la ville qui fumait, souffrait, criait. Les familles, là-bas, comprenaient que les bateaux ne partiraient pas aujourd’hui, qu’elles étaient prises au piège, frappées de tous côtés. Il les regarda pendant de longues minutes. Il ne pouvait plus rien, n’était déjà plus l’un d’eux. Il savait qu’il ne reviendrait plus[…]
— Chien 51, Laurent Gaudé

PRESSE

L’auteur emprunte ici au polar ses techniques narratives pour tenir le lecteur en haleine et l’entraîner dans une enquête qui met à nu la cupidité et la rapacité des grandes entreprises de ce monde qui n’ont que faire des frontières et des gouvernements en place. Un roman sombre et d’une redoutable efficacité.

Jean-Paul Beaumier, Nuit blanche

Laurent Gaudé signe un polar dystopique addictif, territoire inédit pour l’auteur de Salina, dont on retrouve avec un immense plaisir la maestria narrative et cette façon si puissante et si personnelle d’allier le tragique au politique.

Minh Tran Huy, Madame Figaro

Laurent Gaudé ne cesse, par le destin de ses héros, de fabriquer une mythologie moderne aux cent visages. En voilà un nouvel aspect. On songe à l’univers pictural d’Enki Bilal et l’on est bluffé par l’exercice. 

Pierre Vavasseur, Le Parisien

Dans cette dystopie glaçante, Laurent Gaudé raconte une enquête haletante. 

Guy Duplat, La Libre Belgique

À la lueur des alertes répétées sur l'avenir de l’humanité, Chien 51 fait frémir. C’est à peine si Laurent Gaudé pousse le curseur, tant sa dystopie semble plausible. 

Sophie Creuz, L'Écho

Pour la première fois, notre maître es ténèbres s’essaie au roman d’anticipation mâtiné de polar. Un pur bonheur ! Du cousu main que cette dystopie fignolée au suspense glaçant, comme si Laurent Gaudé avait passé sa vie à inventer des futurs effrayants, mondes totalitaires hyper-connectés à la hiérarchie bien huilée et aux innovations mortifères à souhait.

Marianne Payot, L'Express

Laurent Gaudé signe un grand texte, fort, mélancolique, d’une belle noirceur. Où il est beaucoup question de mémoire. Dommage qu’il ait déjà eu le Goncourt avec Le Soleil des Scorta, Chien 51 le mériterait aussi !

Mohammed Aïssaoui, Le Figaro littéraire

Un roman qui joue avec nos nerfs, avec notre histoire, avec notre mémoire, tout ce qui nous reste peut-être pour résister à ce qui nous attend.

Augustin Trapenard, La Grande Librairie, FRANCE 5

Chien 51 est porté par une puissance dramatique et une amplitude saisissantes. Aussi psychologique que politique, c'est une réflexion sur notre capacité à nous réinventer (ou pas) dans les mondes de demain.

Hubert Artus, Lire Magazine littéraire

L’auteur emprunte ici au polar ses techniques narratives pour tenir le lecteur en haleine et l’entraîner dans une enquête qui met à nu la cupidité et la rapacité des grandes entreprises de ce monde qui n’ont que faire des frontières et des gouvernements en place. Un roman sombre et d’une redoutable efficacité.

Jean-Paul Beaumier, Nuit blanche


LAURENT GAUDÉ

Romancier, nouvelliste et dramaturge né en 1972, Laurent Gaudé est notamment l’auteur de La mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens, Prix des Libraires), Le soleil des Scorta (2004, prix Goncourt, prix Jean-Giono), Eldorado (2006), Écoutez nos défaites (2016) et Salina. Les trois exils (2018). Son œuvre est traduite dans le monde entier.

Photo : Leonardo Céndamo.

Coédition Actes Sud / Leméac

Roman / Prix indicatif : 32,95 $

304 pages environ / 11,5 x 21,7 cm / 978-2-7609-1339-4

En librairie le 5 octobre 2022

Également disponible au format numérique - ePub