Dans mon poing, le galet du chagrin, un, deux, trois, je souffle, la tristesse fait son chemin, à mon conte je reviens.

Un homme retiré dans l’arrière-pays de Montmagny entreprend de piéger sa solitude dans les contes qu’il s’invente pour rapailler les morceaux disloqués de sa vie. Ratoureux comme tout bon conteur, il espère ainsi déjouer les épreuves qui l’ont esquinté – au premier chef, le départ de sa fille, la grande floune – et s’approcher au plus près de Mado, tenancière dont la peau tavelée et le cœur immense pourraient tétaniser les dernières peurs qui rôdent encore autour de lui. Beau Diable, chimère à sept têtes, y veillera d’une terrifiante manière…

 PRÉSENTATION

La langue magnifique de ces vastes histoires racontées par un être au bout de ses peines oscille entre les échos d’une parole jubilatoire et les lumières de l’écriture, entre le vrai et l’ivresse. Marchent en François des créatures fabuleuses – coureurs des bois ancestraux, sauvagine taxidermiste, camionneur au long cours –, arpentant avec lui le plus précieux des chemins, celui qui remet au monde.


EXTRAIT

Ça commence par une voix, la mienne, dans le noir. C’est tout ce que ça prend. Puis la lumière se fait doucement pour qu’on puisse tout voir venir et aller, tout entendre se placer. Bruits de vaisselle et de couverts, mangeaille et jasages étouffés; l’éclairage vient d’être tamisé. À soir, le Resto Chez Mado prend ses airs de cabaret. L’habituelle salle à dîner, pleine à craquer, a été réarrangée avant votre arrivée.

Un last call sur la bière vient d’être annoncé. Derrière son bar, Vicky a été claire : si vous voulez boire, c’est maintenant ou à l’entracte, elle aussi veut profiter de sa soirée. On sent l’excitation, la sentez-vous comme moi? Ça fait toujours trop longtemps que Madeleine a pas organisé un de ses « soirs pas ordinaires ».

Je m’appelle François, devant vous autres je prends mes aises pis mes grands airs. Attention, c’est sur le point de se faire.

Pendant que vous m’écoutez, tout devient un peu plus clair, c’est un jour qui se lève sur nous autres. Pareil à ce matin-là quand je dors encore, la peau collée au tissu rugueux du vieux Chesterfield orange et terre humide.

C’est là, justement, que la magie opère parce que si vous vous concentrez, vous voyez le divan, vous me voyez étendu dessus, et en même temps que moi, vous entendez vous autres aussi les coups qui résonnent pour me réveiller. Comme ces trois coups distincts, incertains, lents sur le comptoir du bar: toc, toc et toc. Et une voix, belle voix grondée, rugueuse et sobre, celle d’un homme, sortie de loin dans mes souvenirs, sortie de bien trop loin, dans mes souvenirs trop profondément enfouie. Et alors vous me voyez dans votre tête, debout dans cette vieille cabane de fond de bois qui vous apparaît comme une évidence, avec pour seul vêtement mon vieux caleçon blanc, sur la caboche des épis épars, et ma barbe écrasée d’un côté qui donne un air déformé à ma bouche en pâte à papier. Vous me voyez moi, dans votre tête, mais vous voyez aussi la cabane, la bien nommée Trappe à Edmond – mais j’y reviendrai –, sise au pied de la vieille tour à feu du mont Saint-Louis, retapée par mes propres mains à moi, moi le François que vous êtes en train d’apprendre à faire exister au-delà de cette salle à dîner du Resto Chez Mado.
— Beau Diable, Jean-François Caron

PRESSE

Une voix dans le noir, celle d’un homme qui s’apprête à raconter une histoire. Lui-même le laisse entendre, elle possédera des accents de vérité, tout en comportant quelques entorses à la réalité. Au début, il est beaucoup question d’une bête fantastique, le Beau diable qui donne son titre au roman. Peu à peu, cependant, c’est une collection d’humains aux plaies encore vives, cherchant à donner un sens à leur existence, qui conférera à ce texte des airs de rédemption.

— Daniel Côté, Le Quotidien

Dans une langue aussi ample que le paysage qu’elle parcourt, Jean-François Caron donne vie à des personnages fabuleux — coureurs des bois, camionneurs, jackalopes et taxidermistes. (…) Dans De bois debout (La Peuplade, 2017), son roman précédent, l’écrivain faisait de la littérature un refuge, avec tout ce que cela comporte de pièges et de magie. Avec Beau diable, elle est mise au monde, bras et coeur ouverts vers l’autre, clairière sublimée par des percées de lumière et de tendresse. Un roman qui, comme l’amour, nous ramène à l’essentiel.

— Anne-Frédérique Hébert-Dolbec, Le Devoir

En refermant Beau Diable, j’ai eu un frisson tel celui que les contes de mon enfance provoquaient. C’est pourquoi j’affectionne particulièrement ce livre qui n’est, à mon avis, ni un roman, ni un conte, ni une fable, mais la fusion de toutes ces formes en un récit totalisant.

— Jean-François Crépeau, Le Canada français

Un romancier qui a quelque chose du magicien, du sorcier. Il fait partie de ces auteurs dont on habite très vite l’univers. Il écrit des livres qui s’installent dans notre tête pour ne plus la quitter. C’est un grand écrivain, un grand poète.

— Karyne Lefebvre, Pénélope, ICI Première

Dans le matin métropolisant qui émerge avec ambages, la langue de bois debout de Jean-François Caron myrtille des merveilles qui fait splendir les ronces, saillir la rosée et rapproche les gens de tout acabit et de toute maison. Tout ce que nous aimons du monde sauvage, tout ce qui nous bouleverse sans antidote trouve refuge dans ses phrases franches de conteux agile. Le gaillard à Caron permets à nos esprits engourdis par le soleil oblique de côtailler dans le tracé improbable du beau diable, servie par une voix ample, nerveuse et sincère qui ne tient pas en place, qui cherche le vrai dans la tangibilité irrésistible du vivant et du pas encore mort. Amateur.e de contes, réjouissez-vous.

— Olivier Boisvert, Librairie Gallimard

Une narration qui nous plonge d’abord dans l’obscurité, puis qui étale peu à peu sa lumière sur une histoire où tout s’entrecroise sans jamais faire de sales nœuds. Court, mais efficace, ce roman est une pause dans nos vies mouvementées, une soirée spéciale autour du feu à se raconter des histoires, juste parce qu’on peut.

— Jacob Riverin, Librairie Les Bouquinistes


JEAN-FRANÇOIS CARON

Poète et romancier né en 1978, Jean-François Caron a déjà fait paraître cinq ouvrages, dont le roman De bois debout, qui lui a valu d’être finaliste, en 2018, au Prix littéraire des collégiens, au Prix des libraires du Québec et au Prix littéraire France-Québec.

Photo : Audrée Wilhelmy.

Roman / Prix indicatif : 16,95 $

104 pages environ / 14 x 21,6 cm / 978-2-7609-4900-3

En librairie le 31 août 2022

Également disponible au format numérique - ePub